Lobby or not lobby ?

À la suite des accusations portées par Nicolas Hulot contre la pression de grands intérêts privés, certains tentent de mettre au même niveau les actions de plaidoyer associatives.

Patrick Piro  • 5 septembre 2018 abonné·es
Lobby or not lobby ?
© La Fondation pour la nature et l’homme manifeste le 12 décembre 2017 à Paris.Alban Grosdidier/Hans Lucas/AFP

Le cuir pas assez dur, un éternel insatisfait, « et puis c’est sa liberté »… Dans le lot des condescendances déversées sur Nicolas Hulot, il y a aussi le contre-feu allumé par la majorité présidentielle en réaction à la dénonciation par le ministre démissionnaire du poids de lobbys sur l’action gouvernementale. Particulièrement éclairant, l’agacement de Sophie Errante, députée LREM de Loire-Atlantique, qui fustige « les lobbys de l’environnement, jamais satisfaits ! […] Un lobby, c’est un groupe qui vient défendre des intérêts, donc ils sont tous porteurs d’intérêts […]_. Il faut savoir que Nicolas Hulot est mis sous pression aussi par les environnementalistes politiques, dont c’est la spécialité (1) »._ En bref : défendre auprès des pouvoirs publics les positions des grands betteraviers ou la baisse des émissions de CO2, chacun joue sa partition et que le meilleur gagne, et tant pis si le ministre était trop tendre.

Un genre de renversement des fronts qui indigne Stephen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’environnement, association spécialisée dans les campagnes d’interpellation des décideurs. « Et donc l’équité du travail d’influence, ça serait une heure pour Monsanto, et une heure pour nous ? »

En lieu et place de « lobby » (couloir, en anglais), les associations ont depuis plusieurs années largement adopté le terme de « plaidoyer », qui évoque les débats contradictoires d’un prétoire public, pour qualifier leur travail d’influence – interpellation d’élus, campagnes de pression, argumentaires, etc. « Certains entretiennent à dessein la confusion entre les deux types d’intervention, alors que les uns sont au service d’intérêts privés, quand les autres défendent l’intérêt général, voire le bien commun », souligne Jean-Marie Fardeau, directeur de VoxPublic, une association qui aide des groupes citoyens à faire valoir leur point de vue auprès des décideurs – handicapés, sans-papiers, discriminés, etc.

La loi impose depuis 2016 aux associations pratiquant le plaidoyer, comme aux lobbys industriels, de déclarer leurs actions – rencontres, remises de dossier, campagnes de pression, etc. – auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures, qui dénonce les pesticides, apprécie cette transparence mais s’étonne de voir mises dans le même panier associations et grandes entreprises, « sans considération de l’énorme disparité de leurs moyens ou de leurs relais. Ainsi, la FNSEA, premier syndicat agricole, est une pieuvre dont l’influence s’étend aux chambres d’agriculture, au Crédit agricole, aux élus locaux, aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural [Safer]… Par ailleurs, le niveau d’exigence de ce registre est bien faible. » Ainsi, est-il plausible que l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), lobby agrochimiste qui compte parmi ses adhérents BASF, Bayer-Monsanto, Dupont ou Syngenta, déclare, pour le second semestre 2017 (entrée en vigueur de la loi), des dépenses de représentation d’intérêts dix fois inférieures à celles de Greenpeace ?

(1) France Bleu Loire Océan, 29 août.

Politique
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