« Sexe, race et colonies » : La marque de l’homme blanc

L’ouvrage majeur Sexe, race et colonies montre mille deux cents d’images sexuelles et racistes de la colonisation et leurs effets toujours actuels sur la domination du corps des femmes.

Olivier Doubre  • 17 octobre 2018
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« Sexe, race et colonies » : La marque de l’homme blanc
© photo : Scènes et Types. Ouled Naïl, carte postale, cliché de LL (Léon & Lévy), éditée par Édition Idéale PS (Satragno et Le Deley) [Algérie], 1915 [1906]. crédit : Coll. Olivier Auger

Mille deux cents images. Quatre-vingt-douze contributeurs, près de cinq cent cinquante pages, grand format. Dès l’introduction de Sexe, race et colonies. La domination des corps du XVe siècle à nos jours, les cinq directeurs de cette publication sans précédent, préviennent : « De facto, nous pensons qu’il est impossible de déconstruire ce qui a été si minutieusement et si massivement fabriqué, pendant près de six siècles, sans montrer “les objets du délit”. » À côté de leurs textes scientifiques, les auteurs – historiens, anthropologues, sociologues ou politistes, tous spécialistes de l’histoire visuelle ou du fait colonial, étudié sous ses multiples aspects – assument ainsi pleinement de donner à voir ou à revoir des iconographies remontant pour certaines au XVe siècle. Pour documenter, mais aussi rappeler la puissance visuelle de représentations, peintures, photographies, affiches ou cartes postales, parfois violentes ou franchement pornographiques (en dépit de la censure de l’époque, à laquelle échappaient les images en provenance des empires coloniaux), et surtout la force de leur influence pendant des siècles sur l’imaginaire des populations colonisées et des sociétés des États impérialistes (lire l’article de Jean-Claude Renard ici).

Certains groupes féministes ou « décoloniaux », certains historiens également, ont reproché aux auteurs de reproduire et de poursuivre les oppressions coloniale et patriarcale dont ces images furent les vecteurs, jusqu’à parfois critiquer sévèrement la forme de l’ouvrage, lequel se rapprocherait d’un « beau livre » sur papier glacé que l’on pourrait éventuellement s’offrir aux fêtes de fin d’année… Les auteurs répondent toutefois qu’un livre reproduisant des images à caractère sexuel ou rapportant la violence coloniale ne saurait, en raison de ces caractéristiques, appeler une présentation a minima ou de piètre qualité. Et justifient leur volonté de les (re)montrer par le fait qu’elles ont durablement marqué et continuent d’influencer profondément les imaginaires occidentaux et outre-mer. Pour rappeler qu’en réalité le mal est déjà fait et qu’il s’agit surtout, aujourd’hui, de le déconstruire.

Sexe, race & colonies. La domination des corps du XVe siècle à nos jours Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Dominic Thomas, Christelle Taraud, La Découverte, 544 pages, 65 euros.

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