Défonceurs des droits

Lorsque Jacques Toubon dénonce les violences policières, MM. Macron et Philippe ne prêtent aucune attention à ses objurgations.

Sébastien Fontenelle  • 23 janvier 2019 abonné·es
Défonceurs des droits
© photo : MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY

Il y a quelques déjà longues années (1), j’avais confectionné, pour un ouvrage collectif, un chapitre qui auscultait le fonctionnement de la Commission pour la transparence financière de la vie politique (2), et d’où ressortait que cet organisme, dont la création remontait à 1988 et dont la mission était, sur le papier, de veiller à ce que les élu·e·s de la République ne profitent pas de leurs mandats pour s’enrichir, ne servait strictement à rien, puisqu’aussi bien le législateur avait consciencieusement veillé à ce qu’elle ne soit dotée d’« aucun pouvoir d’investigation » ou de sanction – et parce que l’exécutif ne tenait aucun compte de ses avis et préconisations.

Pourquoi je te raconte ça ? Parce que j’ai repensé l’autre jour à cette commission, après avoir lu que le Défenseur des droits – l’excellent Jacques Toubon – avait à son tour demandé la suspension de l’« utilisation », dans la répression du mouvement des gilets jaunes, des lanceurs de balles de défense (LBD), dont l’emploi systématique a déjà fait, dans le cours des dernières semaines (3), plusieurs dizaines de blessés (pour le moins) graves.

Ne te méprends pas : j’éprouve une assez vive sympathie pour l’intéressé – Jacques Toubon, donc. Pour la simple mais bonne raison qu’il est, sauf erreur ou omission, le tout dernier politicien à avoir cheminé, dans ce pays, et dans le cours de la dernière décennie, de la droite vers la gauche, plutôt qu’en suivant l’itinéraire inverse (4) : c’est d’autant plus remarquable que le moins qui se puisse dire est qu’il venait de fort loin (5).

Mais il est parfaitement évident que, lorsqu’il dénonce – périodiquement et à si bon escient – la honte absolue des atteintes « d’une inédite gravité » faites aux migrant·e·s par MM. Macron et Philippe et leurs séides gouvernementaux, ou donc, et non moins régulièrement (puisqu’il avait demandé il y a un an une suspension de l’emploi des LBD), des violences policières infligées à des manifestant·e·s, personne parmi les destinataires – qui se trouvent être, principalement, les mêmes MM. Macron et Philippe – n’a la moindre intention d’accorder ne serait-ce que le début d’un commencement d’attention à ses objurgations.

Mais il est vrai aussi que le temps doit leur manquer – tant ils sont occupés, depuis le début de leur mandat, en tout lieu et en tout moment, à défoncer nos droits.

(1) Je vous parle ici d’un temps que les moins de quinze ans ne peuvent pas connaîîîtreuuuuu.

(2) Devenue depuis, en 2013, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

(3) Et selon le décompte effectué par le journaliste David Dufresne, qui accomplit sur Twitter un gigantesque travail (de salubrité publique) de documentation de ces atrocités. Pour le suivre, c’est ici : @davduf.

(4) Fais-moi penser qu’il faut absolument qu’on se reparle aussi des intéressants personnages qui se font ces jours-ci, et sous le prétexte ahurissant de mieux la combattre, une spécialité d’aller distribuer des entretiens et des tribunes à la presse d’extrême droite…

(5) Bon, le gars n’est pas non plus devenu Ravachol, hein ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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