Gilets roses : les assistantes maternelles sonnent l’alerte sur la réforme du cumul emploi-chomage

Inquiètes de la réduction de leur complément d’activité qui se profile à l’issue des négociations à l’Unédic, ces professionnelles qui gardent les jeunes enfants appellent à une mobilisation nationale le 2 février.

Ingrid Merckx  • 25 janvier 2019
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Gilets roses : les assistantes maternelles sonnent l’alerte sur la réforme du cumul emploi-chomage
© photo : BL / BSIP

Elles sont environ 330 000 en France. Elles démarrent leurs journées avant les autres, et les terminent souvent après les autres. Elles gagnent environ 3 euros de l’heure. Elles travaillent parfois le samedi. Leurs semaines de travail peuvent durer de 45 à 60 heures, et elles font majoritairement des journées de huit heures. Elles sont souvent isolées chez elles. Peu syndiquées. Leur travail n’est pas assez considéré, alors qu’elles permettent à de nombreux jeunes parents, mères en tête, de reprendre le travail ou tout simplement d’aller travailler. Les assistantes maternelles sonnent l’alerte.

Un texte de loi défendu par la ministre du Travail Muriel Pénicaud prévoit de « modifier les mesures d’application relatives […] à l’activité réduite ». C’est-à-dire de limiter, dans le temps en tout cas, voire de réduire les allocations chômage de professionnels à activité réduite, comme les assistantes maternelles, les aides à domiciles ou les auxiliaires de vie, qui cumulent plusieurs employeurs.

« Au départ, nous avions même compris que Muriel Pénicaud voulait supprimer nos compléments d’activité. Il semblerait maintenant que le projet consiste à les réduire », témoigne Florence Cazenave. Cette assistante maternelle en Gironde est l’une des cinq administratrices des Gilets roses, groupe Facebook constitué en octobre par des professionnelles (ce sont en majorité des femmes) qui ne se reconnaissent pas forcément dans le mouvement des gilets jaunes mais s’en inspirent pour porter leurs revendications et, partant, celles de tous les travailleurs à activité réduite.

« Nous n’avons pas de statistiques officielles sur notre profession mais prenons l’exemple d’une assistante maternelle qui travaille 50 heures par semaine et garde quatre enfants, huit heures par jour, propose Florence Cazenave_. Ce qui lui ferait quatre employeurs différents avec quatre contrats de travail de 700 euros environ,_ poursuit-elle. Si une famille déménage ou que l’un des enfants rentre à l’école, Cette assistante maternelle perd un contrat et voit son salaire passer de 2 300 euros net à 1 600 euros net. Pour compenser, elle perçoit une allocation chômage jusqu’à ce qu’elle trouve un nouvel enfant et une nouvelle famille employeur. Cette allocation (ARE) varie de 57 % à 75 % de ce qu’elle percevait. Ça permet de tenir. Mais si cette allocation baisse, comment va-t-elle faire ? », interroge-t-elle. Dans les zones urbaines en tension, retrouver une famille peut aller assez vite, mais en zone rurale ?

« Surtout, ajoute Florence Cazenave, 2300 euros, c’est un cas assez exceptionnel et quand on garde quatre enfants à temps plein chacun. La rémunération moyenne des assistantes maternelles oscille entre 1000 et 1500 euros. Beaucoup travaillent avec deux ou trois contrats à temps partiel, et beaucoup connaissent des amplitudes horaires de 10, 11 heures par jour. »__

Les Gilets roses organisent une mobilisation le 2 février qui devrait être suivie dans plus de 75 % des départements, avec le soutien de la CGT et de FO en Gironde. «Non à la réforme du cumul emploi-chômage en cas d’activité réduite ! », clame l’appel.

« Liberté de choisir son avenir professionnel »

En arrière-plan de ce mouvement, la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », qui a d’abord permis au gouvernement de changer les règles par décret, sans qu’il ait estimé nécessaire de dévoiler ses intentions. Puis de décider en septembre de rouvrir les négociations sur l’assurance chômage un an avant l’échéance de l’actuelle convention Unédic. Ces négociations sont actuellement en cours entre les partenaires sociaux. Elles devaient prendre fin initialement fin janvier mais les mouvements sociaux de cet hiver, notamment autour des Gilets jaunes, reportent le terme des discussions à fin février. Si les négociations échouent, le gouvernement reprendra la main.

Une lettre de cadrage du 25 septembre 2018 envoyée par le gouvernement aux organisations entend imposer à l’Unédic 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans, soit 1,3 milliard par an. « Cela signifierait une perte moyenne considérable de 3,5 % sur les allocations, pour des personnes dont le revenu moyen est de 1 200 euros par mois, traduit Denis Gravouil de la CGT. _Cette lettre de cadrage vise particulièrement les travailleurs précaires, celles et ceux dits “en activité réduite”, c’est-à-dire 800 000 personnes parmi les 2,2 millions inscrites dans les catégories B et C des chiffres mensuels du chômage. Elle exige de revoir à la baisse le calcul des allocations lorsqu’il y a “cumul” – en fait, alternance – de périodes de travail, généralement en CDD courts, et de chômage indemnisé, de revoir la durée de ce cumul, ou encore sa possibilité même ; par exemple lorsqu’une assistante maternelle, qui peut garder jusqu’à trois enfants, n’en garde plus qu’un ou deux. (…) Nombre de personnes pourraient ainsi perdre 10 % à 30 % de leur allocation, soit 100 à 200 euros par mois, voire ne plus percevoir d’allocations du tout. »

Le groupe Facebook des Gilets roses réunit aujourd’hui plus de 9 000 membres.

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