L’intention était louable

Rappelez-vous, macronistes : le fondateur de votre parti ambitionnait d’« honorer » la mémoire de Pétain.

Sébastien Fontenelle  • 20 février 2019 abonné·es
L’intention était louable
© crédit photo : GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Alors comme ça, Les Républicains (LR) – et vous, La République en marche (LREM) –, vous venez, après que d’immondes inscriptions nazies ont été taguées en divers endroits de Paris, de lancer, avec d’autres partis politiques, un appel contre l’antisémitisme ? Bravo : l’intention est pour le moins louable. Mais rappelez-vous, Républicain·e·s : il y a un mois, votre chef – le délicat Laurent Wauquiez – a reçu en grande pompe, au siège de votre parti, un éditocrate d’extrême droite devenu dans la France dégueulasse des années 2010 l’apologiste décomplexé du maréchal Pétain.

Vous êtes-vous récrié·e·s ? Avez-vous seulement protesté contre l’invitation faite à ce marchand de haine ? Non point : vous avez été, au contraire, « plus de 700 » à l’« applaudir » (1).

Et rappelez-vous, macronistes : en novembre dernier, le fondateur de votre parti, chef de l’État français, ambitionnait d’« honorer » la mémoire du même Philippe Pétain. Et ce n’était pas sans précédent puisque, quelques mois plus tôt, sa ministre de la Culture avait, de son côté, voulu « célébrer » Charles Maurras, théoricien de l’« antisémitisme d’État », mais aussi, et dans le même élan, l’écrivain collaborationniste Jacques Chardonne, qui écrivait par exemple (2), en 1963 (3) : « Hitler n’a point fait un beau travail. Il n’a pas exterminé les juifs. Il les a rendus virulents. Il n’y avait pas de juifs avant lui. À présent, ils sont nombreux, bien conscients qu’ils sont juifs, et le feront sentir pendant des siècles. D’où ma phrase malheureuse, à Paris, mais que l’on a eu la bonté d’étouffer assez vite : “Depuis 40, je suis antisémite.” » (Puis encore, trois semaines plus tard : « Si je ne me trompe pas, votre bel hôtel de Paris est construit sur le terrain d’un juif. Comment pouvez-vous y dormir ? ») Mais vous (non plus) n’avez rien dit : vous ne vous êtes pas offusqué·e·s – jamais – de ce que vos représentant·e·s dans les plus hauts étages des appareils gouvernemental et présidentiel aient ainsi pu, très posément et sans jamais prendre conscience de l’obscénité d’un tel dessein, planifier, en moins d’une année, de saluer la mémoire de ces trois infects personnages.

Vos silences, aux un·e·s comme aux autres, suggèrent que dans le tréfonds de votre imaginaire collectif, l’antisémitisme ne vous est peut-être pas encore complètement odieux lorsqu’il s’incarne dans des figures que votre vieille droite n’arrive jamais, semble-t-il, à répudier définitivement. À tout le moins, la preuve est faite qu’il ne vous scandalise tout de même pas au point que vous vous soyez, par exemple, résolu·e·s à ne plus jamais encourager ou tolérer, de près ou de loin, la moindre complaisance mémorielle envers les monstres qui ont jadis collaboré et participé, d’enthousiasme, à l’extermination des juifs d’Europe. Faut-il vous lancer un appel, pour qu’enfin vous mettiez un terme à ces acquiescements ?

(1) Le Monde, 31 janvier 2019.

(2) Dans une lettre à l’antisémite Paul Morand.

(3) La République des livres, blog de Pierre Assouline, 27 avril 2015.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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