Les licenciements à Auchan révèlent la désaffection pour la grande distribution

Toute la grande distribution est touchée par une crise qui induit des cessions de site et des suppressions d’emplois. La chaîne d’hypermarchés du groupe Mulliez en est le dernier exemple en date tandis que Carrefour annonce 3 000 licenciements.

Claude-Marie Vadrot  • 3 mai 2019
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Les licenciements à Auchan révèlent la désaffection pour la grande distribution
© crédit photo : PHILIPPE HUGUEN / AFP

Les fermetures de nombreux hypermarchés et supermarchés appartenant à de grands groupes de distribution est sans aucun doute une menace pour de nombreux emplois, et aussi un moyen de faire pression sur les salaires et les conditions de travail des salariés plus ou moins provisoirement sauvés. Mais les reculs successifs des géants de cette distribution et la chute régulière de leurs ventes montrent que le modèle qui a inventé la bouffe industrielle, sacrifié les centres-villes et fait disparaître le commerce de proximité est condamné à terme. On assiste ainsi à une avancée progressive vers ce que l’économiste et écologiste britannique Ernest Schumacher annonçait au début des années 1970 dans son livre Small is beautiful, sous-titré en français « une société à la mesure de l’homme » (1).

À lire aussi >> Notre enquête « La grande distribution ne fait plus recette »

Malgré les efforts de ses responsables pour détourner le peu de garde-fous inscrits dans la récente loi sur l’alimentation, les Carrefour, Auchan, Casino, Leclerc ou Intermarché perdent de l’argent ou au moins n’en rapportent plus suffisamment à leurs actionnaires. Ce qui pourrait amener Auchan à licencier plus de 700 salariés. Ceux-ci s’ajoutent aux suppressions d’emplois pratiquées au jour le jour depuis deux ou trois ans par tous les groupes, tandis que les employés restants sont contraints à une multiactivité qui les fait passer des caisses au déchargement des cageots « pour éviter les temps morts ».

Méfiance grandissante des consommateurs

Alors que les propriétaires d’Auchan annoncent les fermetures de 16 hyper ou supermarchés, de leur seul magasin consacré au bio et de nombreux sites de préparation de commandes, il ne faut pas oublier que le groupe Casino a vendu plusieurs dizaines de magasins au début de cette année. Quand au groupe Carrefour, également en grandes difficultés liée à la fuite de sa clientèle il vient d’annoncer que c’est finalement 3000 salariés dont il va se séparer après un recul de 5% de son chiffre d’affaires.

Ce qui se passe est clair : ces grandes surfaces perdent progressivement la confiance d’une partie de la clientèle qui se sent « captive » et cherche le plus possible, quand elle en a la volonté et les moyens, à échapper, au moins en partie, à une grande distribution dont les médias leur expliquent que la plupart des plats cuisiné, sous conservateur ou surgelés, sont trop gras, trop salés, trop triturés, ou qu’ils contiennent de moins en moins d’éléments nutritifs. Les responsables de ces grandes surfaces ont beau s’acharner à verdir leur image, ils échouent.

À lire aussi >> Notre dossier « Des super marchés contre les supermarchés »

Une partie des consommateurs sait désormais lire les étiquettes et ne croit plus aux publicités mensongères. Alors quand elle en a les moyens et la possibilité, surtout en région, cette clientèle retrouve le chemin des marchés, des fermes, des Amap et des commerçants de centre-ville, quand il en reste.


(1) Publié au Seuil

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