Régime de choc et recul des droits

La réforme de l’assurance-chômage impose des économies considérables sur les allocations des plus précaires et quelques mesures symboliques pour les entreprises et les hauts revenus.

Erwan Manac'h  • 19 juin 2019 abonné·es
Régime de choc et recul des droits
© crédit photo : Lucas BARIOULET / AFP

Restriction de l’accès au chômage

Pour ouvrir des droits au chômage, il faudra avoir cotisé six mois en deux ans, contre quatre mois en vingt-huit mois aujourd’hui. Selon les chiffrages, ce sont entre 250 000 et 300 000 chômeurs, parmi les plus pauvres, qui perdront leur droit au chômage à compter du 1er novembre 2019. Non indemnisés, ces chômeurs pourraient être découragés de s’inscrire à Pôle emploi, ce qui entraînerait un effet rapidement perceptible sur les chiffres du chômage. Et le gouvernement table sur 2,85 milliards d’euros d’économie en trois ans grâce à cette mesure. Il s’agit d’un retour à un mode de calcul en vigueur avant 2008, qui avait été revu pour faciliter l’accès des plus jeunes et des plus pauvres à l’assurance-chômage.

Baisse des allocations pour les chômeurs qui travaillent

Le calcul des indemnités chômage ne prendrait plus en compte le salaire perçu en moyenne par jour travaillé (comme c’est le cas aujourd’hui, comme en Espagne, au Portugal ou en Allemagne), mais le salaire perçu rapporté à toute la période, jours chômés compris. L’effet mécanique de cette réforme du mode de calcul, qui sera effective le 1er avril 2020, devrait être particulièrement corsé pour les 830 000 personnes qui cumulent allocation et salaire. Aujourd’hui, seulement 41 % des inscrits à Pôle emploi perçoivent une allocation et la moitié des 2,6 millions d’allocataires indemnisés touchent moins de 860 euros mensuels. Entre 600 000 et 700 000 chômeurs qui alternent des petits boulots et une allocation verront leurs indemnités baisser après la réforme, estime le gouvernement.

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Bonus-malus sur les contrats courts

Dans les 7 secteurs qui envoient le plus de travailleurs précaires vers Pôle emploi (restauration et agroalimentaire notamment), les entreprises devront cotiser plus si elles dépassent la moyenne de CDD et bénéficieront d’un « bonus » si elles sont au-dessous. Cette mesure s’attaque au nœud du problème de précarisation de l’emploi : 87 % des embauches sont en CDD (84 % des emplois en cours restent des CDI), dont 50 % inférieurs à une semaine et 30 % à une journée. Mais elle devrait se révéler indolore pour les employeurs, car la variation de cotisation ne dépassera pas 1 point. Pour une cotisation équivalente à 4,05 % de la masse salariale aujourd’hui, le bonus pour les entreprises vertueuses fera baisser ce taux à 3 % et le malus l’augmentera à 5 % pour les mauvais élèves. Les entreprises de moins de 11 salariés et les secteurs du BTP et de l’audiovisuel sont exclus du dispositif. Et la mesure ne prend pas en compte les contrats supérieurs à un mois. Cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron, chiffon rouge pour la droite et le patronat, a donc finalement été accueillie comme une « bonne nouvelle » par Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, soulagé que la mesure reste circonscrite.

Une microtaxe sur les CDD d’usage

Pour lutter contre le recours aux CDD d’usage (CDDU), contrat courts sans fin prédéterminée ni prime de précarité, le gouvernement compte sur une taxe à chaque signature de contrat à hauteur de… 10 euros. Ironie du sort, le gouvernement vient de généraliser le CDDU à la fonction publique (contrat de chantier). Dans le privé, 1,2 million de salariés sont en CDDU, pour 126 000 emplois en équivalent temps plein.

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Dégressivité pour les hauts revenus

L’allocation perdra un tiers de sa valeur après six mois d’indemnisation pour les chômeurs qui touchent plus de 4 500 euros (excepté les séniors de plus de 57 ans). Une mesure avant tout symbolique, puisqu’elle touche une part infime des allocataires, qui a déjà été mise en œuvre entre 1986 et 2001, sans montrer d’efficacité sur les chiffres du chômage.

Des moyens pour Pôle emploi

Le gouvernement n’a pas été avare de communication sur « l’amélioration de l’accompagnement des demandeurs d’emploi ». En définitive, il compte allouer 350 millions d’euros au fonctionnement de Pôle emploi, sur les 3,7 milliards d’euros d’économies dégagées par cette réforme. 1000 équivalent temps plein doivent ainsi être créés en trois ans, sois peu ou proue ce que l’institution a perdu ces dernières années. Le nombre d’agents d’accompagnement a également dû décroître pour permettre une multiplication par 5 des effectifs dédiés au contrôle.

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