Véganisme : Ils disent non à la transition autoritaire

Trois signataires de la tribune de Paul Ariès (1) reconnaissent les apports des véganes au débat public mais jugent la radicalité de certains militants contre-productive.

Politis  • 12 juin 2019 abonné·es
Véganisme : Ils disent non à la transition autoritaire
© crédit photo : FRANK MAY / picture alliance / dpa Picture-Alliance

« La transition écologique ne doit pas être contrainte »

Maryse Oudjaoudi

« Il est essentiel de réduire voire supprimer sa consommation de viande, mais cela ne doit pas porter atteinte à la liberté de l’individu. Je veux pouvoir acheter du bœuf chez un producteur quand j’en ai envie. Pour cela, il faut que les producteurs continuent d’exister, qu’il y ait une filière pour leurs produits, que des circuits courts soient mis en place. Ce type d’agriculture implique une diminution de la production et donc de la consommation. Supprimer l’élevage dans son intégralité est une énormité au vu de son importance dans le cycle agricole. Impossible d’amender un sol sans fumier ! Il faut donc préserver une filière d’élevage bio, afin de diminuer les besoins en viande mais néanmoins les reconnaître. La radicalité des mobilisations médiatiques très sanglantes et cruelles dessert le mouvement végane. Ces actes ne s’inscrivent pas dans le domaine de l’éducation et de la persuasion mais dans celui de la contrainte. Or la transition écologique doit être un besoin et une envie, sans quoi nous nous dirigeons vers une transition autoritaire. »

« Le véganisme condamne toute forme d’élevage »

Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, éleveur laitier

« Il est essentiel que les paysan·ne·s reprennent la main sur les débats autour de la bien-traitance animale, du modèle agricole et de la place de l’élevage. Nous dénonçons la dérive vers une industrialisation à outrance, qui nuit aux paysans et à la sociétél. À ce titre, le mouvement végane est contre-productif : il condamne tous les élevages, sans en distinguer les différentes formes, ni leurs avantages et leurs inconvénients pour le territoire. Certains véganes communiquent contre l’industrialisation de l’élevage, mais, au fond, leur ambition est une négation de l’élevage dans sa totalité, paysan ou industriel. Pour autant, nous ne stigmatisons pas ceux qui ont arrêté de manger de la viande pour des raisons éthiques. Au contraire, la Confédération paysanne reconnaît qu’il faudra moins d’animaux élevés intensivement demain. Dans un système agricole paysan, il y aura moins d’animaux et plus de paysans. Nous consommerons moins de viande mais de meilleure qualité. Nos systèmes de consommation doivent changer. Mais « manger moins de viande » n’est pas suffisant ! Au-delà de la consommation, c’est le système agricole industriel qu’il faut remettre en cause. Tous les types d’élevage ne peuvent pas être mis dans le même panier. Certains doivent être valorisés, d’autres évités. Ensuite seulement le choix du type d’alimentation – végétale, carnée – sera pertinent. »

« La violence finit par desservir le mouvement »

André Chassaigne, député PCF

« Chacun est libre de choisir sa propre alimentation sans contraintes, que ce soit en faveur d’une alimentation végétale ou carnée. Je respecte ceux qui font le choix d’une alimentation végane ; il faut aussi respecter ceux qui font un choix différent. Il y a une forme de diabolisation des deux côtés. Cela doit cesser. Ceux qui ont fait le choix d’être véganes ne sont pas soumis à un lobby ; ceux qui choisissent de consommer de la viande non plus. Cela étant dit, je condamne pleinement les actes violents de détérioration de boucheries. Une violence exacerbée se déploie parmi les militants véganes. Si elle a pu mobiliser dans un premier temps, la violence finit par desservir le mouvement. Condamner le véganisme agressif ne signifie pas entraver le libre choix de chacun. Enfin, l’agriculture n’est pas une atteinte, mais un service rendu à l’environnement si elle est menée correctement. Elle doit donc évoluer afin de respecter davantage l’eau, l’air et le sol. Cela ne signifie pas abandonner l’élevage. La meilleure défense de l’élevage est de le faire évoluer dans la bonne direction : il doit être durable et non agro-industriel. Il s’agit à la fois de lutter contre les usines à bestiaux, type ferme des mille vaches, et de respecter les choix alimentaires des uns et des autres. »


(1) « Pour “une journée mondiale de l’élevage paysan et des animaux de ferme” », tribune de Paul Ariès, Frédéric Denhez et Jocelyne Porcher, publiée le 20 février dans Le Monde.

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