Festival d’Avignon : Le froid et le chaud

Architecture, de Pascal Rambert, et Nous, l’Europe, de Laurent Gaudé : de la déception à l’enthousiasme.

Gilles Costaz  • 9 juillet 2019 abonné·es
Festival d’Avignon : Le froid et le chaud
© crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

Projecteurs et babils étaient braqués sur le spectacle d’ouverture, Architecture, de Pascal Rambert, avec un certain nombre d’acteurs connus pour lesquels l’auteur – un écrivain souvent remarquable – avait écrit des partitions personnalisées. Par exemple, Jacques Weber s’y appelle Jacques, Emmanuelle Béart, Emmanuelle… Patatras ! La longue soirée de quatre heures fait défiler sa vacuité sous le ciel provençal, alors qu’un spectacle qu’on attendait avec moins d’impatience, Nous, l’Europe, banquet des peuples, montre aux imprudents d’Architecture la voie d’un théâtre assez similaire dans l’analyse de l’histoire récente et du présent mais, lui, inspiré (il dure pourtant trois heures) et d’une belle fougue populaire.

Dans Architecture, il s’agit de faire vivre une série de personnages sur trente ans. Quelque part dans l’Europe de l’Est, un architecte fait régner sa diabolique autorité. Il est fou mais ses enfants et ses proches, tous artistes ou penseurs, tentent de se rebeller. Ils ont cru à leurs rêves de beauté, mais le temps passe, et l’Europe, comme eux, s’abîme. Quelques beaux duos quand même, au cœur d’une soirée très artificielle…

Nous, l’Europe, de Laurent Gaudé, est une autre histoire de l’Europe, mais avec un regard politique. Gaudé, dont la langue est parfois hugolienne, part du « non » au référendum de 2005, dont les dirigeants de la Communauté n’ont finalement tenu aucun compte. Il parcourt alors l’histoire des pays européens depuis la première moitié du XXe siècle, et il le fait deux fois, le spectacle contant deux fois la même chose de façon différente. Au milieu s’intercale une courte discussion avec un invité concerné : le premier soir, c’était François Hollande ! Il a fait ce qu’il a pu…

Mais, dans la mise en scène à la fois chaleureuse et furieuse de Roland Auzet (auteur également de la musique et de la scénographie), c’est le collectif qui compte. Entouré d’un chœur aussi présent par sa densité humaine que par ses interventions chantées, les acteurs, relayés par une sonorisation violente, sont d’une puissance étonnante et joyeuse. Il y a là le Suisse Robert Bouvier, l’Irlandaise Olwen Fouéré, l’Allemande Karoline Rose, les Français Mounir Margoum et Thibaut Vinçon, la Guyanaise (et Française) Rose Martine, le Brésilien Rodrigo Ferreira, le Québécois Emmanuel Schwarz… À la rentrée, nous serons nombreux à reparler de cet événement tout feu tout flamme.

Architecture, Cour d’honneur, jusqu’au 13 juillet. Reprise aux Bouffes du Nord, Paris, du 6 au 22 décembre. Texte aux Solitaires intempestifs.

Nous, l’Europe, banquet des peuples, lycée Saint-Joseph, jusqu’au 14 juillet. En tournée à la rentrée. Texte chez Actes Sud.

Réservations : 04 90 14 14 14.

Théâtre
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