La République du soupçon

Dans la réalité, bien sûr, Emmanuel Macron se fiche complètement de la présomption d’innocence.

Sébastien Fontenelle  • 24 juillet 2019 abonné·es
La République du soupçon
© crédit photo : Philippe LOPEZ / AFP

Après avoir déclamé quelques jours plus tôt qu’il ne prenait pas ses décisions « sur des révélations, mais sur des faits », ou sinon « ça devient la République de la délation », Emmanuel Macron a fait, ce samedi, sur l’affaire qui a finalement contraint François de Rugy à la démission, un nouveau commentaire d’où il ressort que « la vérité et […] la transparence pour les décideurs publics », d’accord, mais qu’on « doit » surtout rester « attaché à la présomption d’innocence ».

Cette déclaration est intéressante, non pour elle-même, évidemment, mais parce qu’elle est une nouvelle – et énième – illustration des pratiques discursives tout orwelliennes qui décidément caractérisent le quinquennat de l’actuel hôte de l’Élysée (1), et dont il use à un niveau jamais atteint auparavant (2).

Car dans la réalité, bien sûr, Emmanuel Macron se fiche complètement de la présomption d’innocence – et passe d’ailleurs beaucoup de son temps à entretenir, contre certaines catégories spécialement ciblées d’une population qui l’a, faut-il encore le rappeler, très petitement élu, des suspicions dégueulasses.

Lorsqu’il explique ainsi – et après avoir narré naguère (mais ce n’est pas comme s’il était à un mensonge près) que ces brutalités lui étaient insupportables – que les mots « violences policières » sont « inacceptables dans un État de droit » – profération extravagante –, il induit, évidemment, que les victimes de ces exactions républicaines ne sont sans doute pas innocentes et que les tirs de LBD qui les ont, pour certaines, mutilées étaient quelque peu mérités.

De même, lorsqu’il crache à un jeune chômeur de rencontre qu’il lui suffirait de « traverser la rue » pour trouver du boulot, il suggère que son interlocuteur est une espèce de feignasse qui a, somme toute, un peu mérité son sort – et qui ne devra surtout plus se plaindre de ce que son indemnisation ne lui permette guère de s’offrir les mêmes grands crus dont François de Rugy se délectait si volontiers aux frais des contribuables –, puisqu’il ne fait pas même le minuscule effort de traverser une chaussée pour se dégoter un job.

Et, bien sûr, c’est la même logique, exactement, qui sous-tend les proclamations par lesquelles, récemment, le gouvernement a fièrement « assumé », dans le même temps qu’il abolissait l’impôt sur la fortune, le durcissement du contrôle des chômeurs – sur qui pèse donc, plutôt que l’attachement à la présomption qu’ils se trouvent dans une situation pour le moins compliquée, le soupçon sciemment organisé qu’ils cherchent à se gaver d’aides publiques pour mieux se les rouler sous un cocotier.

Et puisqu’on se parle de sable fin : très bon été à tou·te·s, prenez soin de vous (et des autres), on se retrouve fin août.


(1) Reconnais que rien ne réjouit l’esprit comme un bon vieux clicheton de journaleux, une fois de temps en temps.

(2) Pas même sous le règne de MM. Sarkozy et Hollande, qui pourtant s’y entendaient assez.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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