Comparaison : est-ce, est-ce si bon ?

Si les SS peuvent être comparés aux mères voilées, alors ils ne sont plus des criminels contre l’humanité.

Sébastien Fontenelle  • 23 octobre 2019 abonné·es
Comparaison : est-ce, est-ce si bon ?
© Olivier GalzinCHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

L’autre jour, un salarié d’une chaîne dite « d’info » – la même qui avait, quelques jours plus tôt, retransmis en direct l’intégralité d’une harangue particulièrement haineuse d’Éric Zemmour durant laquelle celui-ci avait déjà comparé l’islam et le nazisme (1) – a tranquillement assimilé le « voile » que portent certaines musulmanes à un « uniforme SS ».

Uniforme dont les porteurs furent, faut-il le rappeler, spécialement affectés, dans le Troisième Reich, à l’extermination des juifs – et à la perpétration, de Khatyn (Biélorussie, 1943) à Oradour-sur-Glane (France, 1944) en passant par une longue série d’autres bourgades martyres, d’abominables massacres.

Or, pour l’énoncer un peu simplement, les musulmanes qui font le choix de porter un hijab ne sont coupables d’aucune de ces atrocités.

Par conséquent, prétendre, comme l’a donc fait le consternant personnage qu’on a dit, que ce foulard serait de même nature que l’accoutrement des SS revient également, si l’on envisage cette proposition dans tout ce qu’elle induit, à diminuer – de beaucoup – l’horreur de leurs méfaits.

Puisque, en effet, si, comme le suggère aussi cette analogie, les SS peuvent être comparés aux mères voilées, partout montrées du doigt, qui demandent que soit reconnu dans la France de 2019 leur droit d’accompagner leurs enfants dans des sorties scolaires, alors ils ne sont plus les criminels contre l’humanité qu’ils ont effectivement été. De bourreaux, ils deviennent victimes – en même temps que ces mères discriminées sont présentées, elles, comme des brutes sanguinaires.

Mais ce double retournement de la réalité (2), pour crapuleux qu’il soit, présente du moins l’avantage non négligeable qu’il permet de se remémorer que « le négationnisme désigne la contestation ou la minimisation (3) des crimes contre l’humanité condamnés par le tribunal de Nuremberg (4) » : à bon entendeur…

(1) En citant, à la fin de faire rigoler son auditoire d’extrémistes de droite – qui l’a effectivement trouvée tout à fait divertissante –, une formule d’où ressortait que le second avait été, à tout prendre, moins « raide » et « intolérant » que ne le serait le premier. Dans cette même péroraison, Zemmour a également dressé une très parlante liste d’« idiots utiles d’une guerre d’extermination de l’homme blanc hétérosexuel », dans laquelle figuraient, comme l’a relevé l’hebdomadaire protestant Réforme, « les femmes, les jeunes, les homosexuels, les basanés, les Juifs, les protestants, les athées ».

(2) Qui n’est certes pas complètement étonnant dans une époque, décidément dédiée à l’émoussement de l’ignominie, où la République française, avant de se rétracter par peur de trop de scandale (plutôt que par l’effet d’une tardive mais digne honte), projette de célébrer Chardonne et Maurras, antisémites rabiques, puis d’honorer Pétain – cependant que celle des lettres republie Rebatet et retraduit Hitler.

(3) C’est moi qui souligne.

(4) Définition prise chez Wikipédia.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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