Et toi : tu es de droite ou tu es militant·e ?

Quand Franz-Olivier Giesbert compare « Daech et la CGT », ce n’est pas, selon ses pair·es, du militantisme.

Sébastien Fontenelle  • 22 janvier 2020 abonné·es
Et toi : tu es de droite ou tu es militant·e ?
© Alain Pitton / NurPhoto / AFP

Après son interpellation vendredi dernier au théâtre parisien des Bouffes du Nord, la presse et les médias mainstream – et notamment des gens qui émargent au Point et chez BFMTV – ont de nouveau (1) présenté Taha Bouhafs comme un « journaliste militant ». Dans l’esprit des attentionnés commentateurs qui lui octroient cette appellation, elle est bien évidemment dépréciative.

Alors je me suis demandé : c’est quoi, pour eux et pour les rédactions qui les emploient, un vrai journaliste, sans épithète disqualifiante ? Et je me suis répondu qu’il suffisait, pour le découvrir, de chercher s’il n’y aurait pas dans leurs proches entours des confrères qu’ils ne portraiturent pas en militants, et qui par conséquent sont, de leur point de vue, de véritables professionnels. Et j’en ai trouvé. Plein.

Comme Franz-Olivier Giesbert, qui toutes les semaines rédige pour Le Point des éditoriaux dans lesquels il déverse, entre deux gentillesses à des amis, des tombereaux d’insultes sur « la gauche » et les syndicats (liste non exhaustive) – mais dont jamais les manières, lorsque par exemple il formuleen 2016 une « comparaison » entre « Daech et la CGT » puis énumère quelques semaines plus tard (soudain très radouci) « 7 + 1 raisons d’aimer François Fillon », ne sont présentées par ses pair·es comme du militantisme.

Ou comme Christophe Barbier, ancien directeur de l’hebdomadaire L’Express (2)– où il exhortait naguère François Hollande, alors président de la République, à « durcir le régime des allocations chômage » – qui sévit désormais sur BFMTV, où il a notamment déroulé, la semaine dernière, cette longue tirade qui n’aura sans doute pas trop déplu à MM. Macron et Philippe mais que personne, parmi ses voisin·es de la presse comme il faut, n’a eu le mauvais goût de trouver trop militante : « Les Français sont profondément convaincus qu’il faut passer à la retraite par points, qu’il faut en finir avec les régimes spéciaux : ces Français-là, ils en ont marre que le contribuable, celui qui travaille, paye le statut de ceux qui bénéficient de ces fameux régimes spéciaux. »

Ou encore comme Éric Zemmour, journaliste au Figaro, que BFMTV reçoit régulièrement – en le présentant toujours comme un estimable « essayiste », et sans lui faire jamais l’injure de suggérer qu’il se comporte en activiste lorsqu’il profère des vilenies qui lui valent d’être condamné pour provocation à la haine raciale ou religieuse.

De sorte que je me demande si les seuls vrais journalistes ne sont pas, pour de grands pans de cette confondante corporation, ceux qui savent en toute occasion tenir leur droite – fût-elle extrême.

(1) Comme déjà en juin dernier : on s’en était parlé ici même.

(2) Son règne de dix ans à la tête de cette publication, qui était alors gavée d’aides publiques à la presse, s’est soldé par un déficit de plusieurs dizaines de millions d’euros : sans doute est-ce l’une des raisons pour lesquelles il distribue si libéralement des leçons d’austérité.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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