« Modéré » : est-ce bien vrai ?

Est-ce Bernie Sanders qui a demandé des coupes dans les budgets sociaux ? Non point, c’est Joe Biden.

Sébastien Fontenelle  • 11 mars 2020 abonné·es
« Modéré » : est-ce bien vrai ?
© Kyle Rivas / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

De tous côtés on n’entend (et ne lit) plus que ça (1), dans la presse et les médias mainstream (LPELMM) : aux États-Unis, Joe Biden serait, dans la primaire démocrate, et comme le soutient par exemple notre journal dit « de référence », un candidat « moins radical » – et par conséquent plus « modéré » – que Bernie Sanders. Est-ce bien vrai ?

Pour le vérifier, il suffit de se poser quelques questions simples. Du style : est-ce Bernie Sanders qui, durant de longues décennies, a demandé des coupes dans les budgets sociaux du gouvernement fédéral, et qui a par conséquent œuvré à une limitation de fait de la – déjà si mince – couverture sanitaire des Américain·es les plus pauvres, chez lesquel·les le défaut de soins fait les ravages que l’on sait ? Non point, c’est Joe Biden (2) : Sanders, tout au rebours, a constamment milité, depuis son entrée en politique, pour que ses compatriotes bénéficient de plus de sécurité(s) sociale(s).

Est-ce Bernie Sanders qui s’est publiquement félicité d’avoir durablement entretenu d’excellentes relations avec des élus ségrégationnistes – ou, pour le dire autrement, des marchands de haine raciale, qu’il considérait quant à lui, nonobstant ce détail, comme de très chouettes mecs, tout à fait fréquentables ? Nope : c’est Joe Biden. (Sanders, lui, corps et âme, s’est constamment investi, depuis un demi-siècle, contre tous les racismes.)

Est-ce Bernie Sanders qui, après que la Cour suprême avait rendu en 1973 le fameux arrêt Roe versus Wade, qui reconnaissait timidement le droit à l’avortement, a considéré que ce jugement allait trop loin, et qu’il n’était pas souhaitable qu’« une femme » puisse décider complètement « seule » de ce qui était le mieux pour elle ? Toujours pas : c’est – encore – Joe Biden. (Sanders, lui, a constamment milité pour les droits des femmes.)

Est-ce Bernie Sanders qui a, d’enthousiasme, voté en 2003 pour l’atroce guerre d’Irak du président républicain George W. Bush – laquelle a fait des centaines de milliers de victimes ? Nenni : c’est Joe Biden. (Sanders, lui, a constamment dit son opposition absolue à cette sinistre aventure.)

De sorte qu’en vérité, et de façon très – très – orwellienne, des deux candidats qui restent en lice pour la primaire démocrate, c’est celui qui a tout au long de sa vie défendu des politiques effroyablement mortifères qui est aujourd’hui présenté comme un être plein de retenue – cependant que LPELMM portraiturent en extrémiste celui qui s’est toujours dressé contre ces menées.

Mais il est vrai aussi que Sanders, pour en finir avec la violence, veut réformer un peu le capitalisme – et qu’il ne s’est jamais vu que des journalistes dominant·es laissent sans réagir mordre la main qui les nourrit.

(1) Un air nouveau qui nous vient de là-bas, oui : comment as-tu deviné ?

(2) « Fact check : Joe Biden has advocated cutting Social Security for 40 years », Ryan Grim, The Intercept, 13 janvier 2020.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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