Restons humains !

La victime collatérale d’un long confinement généralisé, globalisé, et de la pandémie actuelle risque bien d’être notre humanité, craint Laurent Beaud, qui se définit comme un militant humaniste.

Laurent Beaud  • 31 mars 2020
Partager :
Restons humains !
© Photo : Mehdi Taamallah / NurPhoto / NurPhoto via AFP

R estez chez vous ! » nous demande-t-on ! « Conservez vos distances » et veillez à respecter les consignes pour vous protéger et protéger les autres. Il s’agit certainement de décisions de bon sens pour empêcher la propagation d’un ennemi invisible. Cependant, en l’absence d’un véritable plan de lutte, intellectuel et scientifique, nous sommes dans l’expectative et attendons que l’ennemi s’évapore et disparaisse comme il est arrivé. Bien loin de la déclaration de guerre, le « Tous aux abris » a pris le pas sur le « Tous sur le front ».

Dans une humanité où les États ne sont plus capables de se réunir à l’ONU, de décider collectivement, de partager les connaissances et les savoirs, de partager la puissance et les richesses technologiques et industrielles… les décisions restent l’apanage des plus riches. Les chefs de ces États décident, unilatéralement et sans coordination, le confinement, la fermeture des frontières, l’arrêt des transports internationaux… Bref le « restez chez vous ! » est devenu le « chacun chez soi ! », voire le « chacun pour soi ! ».

Concrètement, à l’échelle de l’Homme, la traduction d’un confinement, par dépit et trop long, est la dissociation de soi et de l’autre. Petit à petit, cette dissociation amène à la déconstruction des relations humaines, à la destruction des interactions anodines qui font de nous des êtres humains et non des animaux.

Nous sommes tous les observateurs de cette transformation des relations humaines. Pourvu qu’elle ne soit pas irréversible. Les gens – même à bonne distance et usant d’une attestation dérogatoire de bonne foi – se regardent du coin de l’œil, ne se disent pas « bonjour ! », fixent l’enfant, à côté de son parent, comme si l’on avait sorti un « pestiféré », exhibent parfois un masque « égoïste » (qui manquera aux soignants) qui cache leurs émotions, entre angoisse, peur de l’autre, fausse fierté et individualisme exacerbé.

Les sociologues auront bien du grain à moudre à analyser la fuite des plus aisés dans leur maison de campagne, la chute de la natalité ou la hausse des violences conjugales et familiales… Mais prendront-ils le temps d’analyser spécifiquement la véritable mutation des relations humaines qui s’annonce ?

Là, je dis « attention ! ». Pour moi, la « distanciation sociale » est un véritable gros mot quand elle est synonyme de l’exclusion d’autrui, de la délation ou de l’indifférence.

Espérons que cet épisode de confinement ne sera pas la ruine des beaux sentiments ! Espérons que tout cela terminé, de nouveau nous nous embrasserons, nous nous enlacerons, nous prendrons le temps d’échanger et de discuter, nous créerons de nouvelles amitiés et serons plus solidaires et empathiques les uns envers les autres !

Publié dans
Tribunes

Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Non à la mise en péril du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie 
Appel 12 avril 2024

Non à la mise en péril du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie 

TRIBUNE. La politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple Kanak, conduite par le gouvernement ne peut mener qu’à un immense gâchis, s’alarment dans cet appel 56 personnalités.
Par Collectif
3 000 vaches pour 1 200 habitants : un projet absurde, à l’image de la politique agricole
Tribune 11 avril 2024

3 000 vaches pour 1 200 habitants : un projet absurde, à l’image de la politique agricole

TRIBUNE. Radicalement opposés à cette ferme-usine, Victor Pailhac, Azelma Sigaux et Fiona Vanston, coordinateurs nationaux de la Révolution écologique pour le vivant (REV), estiment que son abandon devra initier la révolution végétale et éthique qui s’impose à notre humanité.
Par Victor Pailhac
Interdire les « polluants éternels » : après la France, l’Europe !
Tribune 10 avril 2024

Interdire les « polluants éternels » : après la France, l’Europe !

TRIBUNE. L’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi vers l’interdiction des PFAS, polluants éternels omniprésents dans la vie quotidienne. Trois élus écologistes, dont Marie Toussaint, appellent à son adoption au Sénat le 30 mai prochain et à une application du principe en Europe.
Par Anne Souyris
« Le service civique, ce n’est pas tout beau, tout rose »
Tribune 9 avril 2024

« Le service civique, ce n’est pas tout beau, tout rose »

Le risque est d’en présenter des contours parfaits, et ainsi, d’en affaiblir la portée, estiment deux sénatrices du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et les co-secrétaires nationales des Jeunes Écologistes.
Par Mathilde Ollivier