Survivantes au temps du Covid 2/4 : Esperande, réfugiée burundaise en Afrique du Sud

Après avoir affronté la guerre, la stigmatisation, l’exil… les rescapées de violences sexuelles en zones de conflit doivent aujourd’hui affronter un nouvel ennemi : la pandémie. En Afrique, elles témoignent de leur précarité sanitaire et économique.

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Survivantes au temps du Covid 2/4 : Esperande, réfugiée burundaise en Afrique du Sud
© Esperande réunira bientôt les femmes du réseau qu'elle préside pour identifier leurs besoins.Photo : Raegan Hodge of the Dr. Denis Mukwege Foundation

Esperande, réfugiée burundaise en Afrique du Sud

Je vis à Pietermaritzburg, en périphérie de Durban. Mon mari est décédé l’année dernière. Je m’occupe seule de mes quatre enfants. Le confinement a été annoncé le 27 mars. Nous n’avions pas vu venir cette pandémie. Car, tandis que le Covid-19 se propageait en Chine puis en Europe, des fake news véhiculaient l’idée que les personnes à la peau noire ne pouvaient pas être infectées. Finalement, des cas ont été recensés. Du jour au lendemain, nous avons été forcé·es de rester chez nous. C’était la panique, aucune information ne nous parvenait. Jusqu’à ce que d’autres membres de Sema, via notre groupe ­WhatsApp, m’apportent des informations fiables et me disent que les gestes barrières étaient une nécessité. Mais la panique a laissé place à l’inquiétude.

Pour subvenir aux besoins de ma famille, je puise désormais dans mes économies. Cela n’est pas donné à toutes les femmes réfugiées. La plupart travaillaient dans des salons de coiffure, tous fermés. Elles confectionnent désormais des masques pour les vendre. D’autres, en désespoir de cause, vendent leur corps. Le gouvernement a promis d’aider les plus défavorisé·es en leur octroyant une aide financière. Mais, pour cela, mieux vaut avoir la nationalité sud-africaine…

Les réfugié·es contaminé·es ont bien été pris en charge par l’hôpital public. Malgré tout, les discriminations persistent envers les personnes étrangères, qui vivent souvent dans des taudis, sans eau courante ni électricité. L’aide alimentaire est insuffisante. En tant que présidente d’un réseau de femmes victimes de violences sexuelles, Pephisa, je démarche les églises pour obtenir de la nourriture. Une femme membre m’a envoyé une vidéo montrant sa fille de 6 ans qui criait vouloir « mourir plutôt que de rester isolée et affamée dans leur maison ». Beaucoup d’enfants souffrent de la faim après la disparition des repas gratuits dans les écoles, qui sont fermées. En outre, il est difficile pour les mères de leur faire classe puisque la plupart n’ont pas Internet pour accéder aux cours en ligne et ne parlent pas la langue du pays. Alors, en tant qu’institutrice, je leur fais parfois la classe par téléphone. Quand ce sera possible, je rassemblerai les membres de Pephisa pour leur demander de raconter et d’extérioriser leur vécu du confinement. Ensemble, nous trouverons ce dont elles ont besoin pour leur bien-être psychologique, physique et économique. Le Covid-19 ne doit pas être un nouveau traumatisme pour ces survivantes.

Monde
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