Dossier : Médias : L'extrême droite en continu
Dans l’ombre des plateaux, la « honte » des journalistes
Racisme, sexisme, islamophobie s’étalent chaque jour sur CNews ou LCI. En coulisses et sur le terrain, des professionnels souvent précaires doivent encaisser sans broncher.
N ous, journalistes de CNews, ne sommes pas Éric -Zemmour. » Le 1er octobre 2020, la Société des rédacteurs (SDR) de CNews s’est sentie obligée de le préciser, au lendemain de la déclaration du chroniqueur vedette de la chaîne du groupe Canal+, selon qui es mineurs étrangers isolés « sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont. Tous, tous, tous ! ». Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, la SDR a tenu à se désolidariser du polémiste, sans pour autant appeler à son éviction du plateau de son émission « Face à l’info ». Loin de faire preuve de virulence, le message a au moins eu le mérite de rappeler que dans l’ombre des plateaux des chaînes d’information en continu, où se succèdent éditorialistes, intervenants, chroniqueurs et présentateurs tous plus à droite les uns que les autres, des centaines de petites mains s’activent. Derrière chaque image commentée en plateau, il y a des journalistes, rédacteurs ou JRI (les journalistes reporters d’images, qui tiennent la caméra). Ceux-là, on ne les entend jamais. D’ailleurs, lorsqu’on se demande comment, dans les rédactions de CNews et de LCI, on vit l’extrême-droitisation accélérée de ces chaînes, les témoignages sont bien rares. Le plus souvent, nos sollicitations sont restées lettre morte. Parfois, un simple « je n’ai pas du tout d’avis sur le sujet » a fait figure de réponse. Certains ont accepté de parler, à condition du respect d’un strict anonymat. Même ceux qui ont quitté la chaîne, voire le métier, ne veulent pas « nuire aux collègues ».
Les chaînes d’info comme CNews et LCI tournent en grande partie grâce à des pigistes, qui composent, avec les CDD, le gros des troupes. Souvent jeunes, ces journalistes travaillent pour différentes rédactions et sont payés à la journée. Une journée de pige à CNews rapporte au minimum 130 euros. Une somme non négligeable pour des jeunes bien souvent précaires, dans un milieu plus que jamais en crise. « Tout au long de mes années passées à CNews, j’ai pensé plusieurs fois à rendre ma carte et partir, mais il fallait bien manger… », se rappelle un journaliste qui a quitté la chaîne cette année. « Je ne prends aucun plaisir à travailler pour CNews. C’est un choix par défaut pour des raisons économiques », lâche un jeune pigiste de l’antenne.
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