Neil Young : Puissance électrique ou intimité acoustique

Deux facettes de Neil Young en concert. Avec Crazy Horse en 1990. En solo en 1971.

Jacques Vincent  • 24 mars 2021 abonné·es
Neil Young : Puissance électrique ou intimité acoustique
© Alice Chiche / AFP

La publication régulière des archives de Neil Young donne l’image du musicien passant un temps considérable à écouter des kilomètres de bandes d’enregistrements studio ou scéniques. Peut-être le récent confinement et l’impossibilité des concerts ont-ils amplifié le phénomène. Si c’est le cas, cela fera au moins un effet secondaire de l’épidémie dont on ne se plaindra pas. Toujours est-il que ce sont deux enregistrements qui sortent simultanément, les deux augmentés d’un DVD dans certaines versions.

En quatre disques vinyles ou un double CD, Way down in the Rust Bucket, titre clin d’œil à deux autres albums, Rust never sleeps et Live Rust, contient l’intégralité des trois heures d’un concert donné par Neil Young avec son groupe Crazy Horse le 13 novembre 1990 dans un bar de Santa Cruz, en Californie, le Catalyst. Si les années 1980 n’ont pas constitué la meilleure décennie pour Neil Young, elles ont vu à leur toute fin un très sérieux retour aux affaires avec l’album Freedom, confirmé l’année suivante avec Ragged Glory. La majorité des titres de cet album ont été joués au cours de ce concert avec certains plus anciens comme le « Cinnamon Girl » des débuts ou l’épique « Cortez the Killer ».

On aura compris que l’on a affaire au Neil Young électrique, aux guitares (o)rageuses, au son lourd qui a dû faire trembler le Catalyst sur ses fondations et aux morceaux parfois entraînés dans des improvisations comme par d’immenses vagues irrésistibles. On a beau les avoir écoutés de nombreuses fois dans d’autres versions, on reste fasciné par cette conjugaison de puissance phénoménale du son qui garde intacte l’émotion pure qui en émane. Une beauté inexorable, indestructible et réconfortante.

C’est un autre genre de beauté qu’offre Young Shakespeare, dont le titre n’a rien à voir avec une hasardeuse comparaison entre Neil Young et le dramaturge anglais, mais se réfère à l’American Shakespeare Theatre de Stratford, dans le Connecticut, où a été enregistré ce concert le 22 janvier 1971, au cours de la tournée qui a suivi la sortie de l’album After the Gold Rush. C’est le deuxième concert de cette tournée à être publié, après celui donné trois jours avant au Massey Hall de Toronto. Il ne fait pas pour autant double emploi, dans la mesure où les titres joués ce soir-là ne sont pas tout à fait les mêmes. À cette époque, Neil Young a déjà un répertoire assez vaste pour ne pas se répéter chaque soir.

Pour cette tournée en solo, à la guitare et au piano, il emploie la manière folk pour un show dans lequel l’interprétation de chaque chanson est précédée d’un commentaire, parfois grave, parfois humoristique. Lors de ce concert, peut-être que son humeur s’y prêtait ou que le public l’y incitait, ses commentaires étaient particulièrement fournis et les plaisanteries fréquentes, renforçant l’atmosphère intimiste et complice. Une atmosphère souvent proche du recueillement, comme si tout le monde était suspendu à la beauté vulnérable de cette voix sortant entre deux rideaux de cheveux noirs. Une ambiance particulière qui fait aussi l’intérêt de ce disque.

Way down in the Rust Bucket et Young Shakespeare, Neil Young, Warner.

Musique
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