Les effets de l’anthropocène

La reprise de l’activité a rappelé que la trajectoire de notre modèle économique est insoutenable.

Jérôme Gleizes  • 30 juin 2021
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Les effets de l’anthropocène
© Ida Guldbaek Arentsen / Ritzau Scanpix / AFP

Le covid-19, comme toutes les épidémies majeures qui ont affecté l’humanité, bouleverse les sociétés en profondeur. Il amplifie d’autres crises, telle celle de la surémission de gaz à effet de serre. Le modèle anthropogénétique défini par l’économiste « régulationniste » Robert Boyer, la production des êtres humains pour les êtres humains, est aujourd’hui en crise.

L’effet du premier confinement a été celui d’une guerre sans destruction de capital. L’arrêt forcé de l’économie lors du deuxième trimestre 2020 a provoqué un effondrement mondial de la création de richesse, du PIB, mais il n’a pas été de la même ampleur selon les pays et, surtout, la reprise a été très différenciée. Les inégalités de revenus et de patrimoine se sont creusées. En Europe, le pays le plus affecté a été l’Italie, avec un niveau de PIB trimestriel qui n’avait pas été aussi faible depuis 1994. D’autres ont retrouvé des niveaux du siècle dernier. La Grèce, le Portugal, la France et le Royaume-Uni sont revenus à des niveaux antérieurs à la crise des subprimes. Les autres États européens ont été beaucoup moins touchés. Ceux d’Amérique latine ont été très affectés, avec également des taux de mortalité très élevés. Après plus d’un an de crise, les pays qui ont pratiqué une stratégie « zéro covid » s’en sortent mieux, même si leur récession initiale a été plus forte.

Cet arrêt forcé de l’économie a été compensé par une action inédite de la part des gouvernements, en rupture avec la doxa néolibérale : « La chute inédite de l’activité et la politique du “quoi qu’il coûte” mise en œuvre dans les différents pays a conduit à une forte dégradation des soldes budgétaires en 2020, qui ont atteint des niveaux rarement observés en temps de paix. […] Les trajectoires de dettes publiques repartent à la hausse avec une augmentation moyenne de l’ordre de 20 points de PIB (1). » Malheureusement, cette politique budgétaire exceptionnelle n’a pas été utilisée pour réorienter le modèle économique.

Alors que le premier confinement avait provoqué une réduction inédite de la pollution mondiale, la reprise de l’activité a rappelé que la trajectoire de notre modèle économique est insoutenable. La fuite du dernier rapport du Giec le confirme, avec notamment la possibilité croissante du franchissement de points de bascule irréversibles. Les gouvernements ne tiennent toujours pas compte de l’alerte du covid-19, alors que le Giec déclare : « La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. […] L’humanité ne le peut pas. Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernements, plaident enfin les climatologues de l’ONU_. Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation_ (2). » La chute risque d’être violente.

par Jérôme Gleizes Enseignant à Paris-8.

(1) Perspectives économiques, revue de l’OFCE, n° 172, avril 2021.

(2) « Rapport du Giec : les problèmes qui attendent l’humanité avec un réchauffement climatique de + 1,5 °C », Nathalie Mayer, 26 juin 2021, www.futura-sciences.com

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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