Jadot-Rousseau, deux événements écolos en un

C’est finalement Yannick Jadot, le favori, que la primaire écologiste a choisi pour candidat à la présidentielle de 2022. Elle a aussi consacré sa concurrente Sandrine Rousseau comme la porte-parole pugnace d’une demande de radicalité qui a fait fortement recette, et qui devrait colorer la campagne du candidat.

Patrick Piro  • 30 septembre 2021 abonné·es
Jadot-Rousseau, deux événements écolos en un
© Sandrine Rousseau et Yannick Jadot découvrent le résultat du premier tour de la primaire écologiste, le 19 septembre 2021. photo Antonin Burat / Hans Lucas via AFP

La désignation de Yannick Jadot comme candidat écologiste à la présidentielle 2022 signe peut-être la fin d’une époque juvénile de l’écologie politique. Les sympathisant·es, à l’heure des primaires (auxquelles les Verts ont eu recours avec constance, tranchant les vire-voltes des socialistes ou de la droite, en la matière), avaient pour habitude de dézinguer leurs têtes de files dès qu’elles semblaient « largement favorites » (en tout cas pour les vox populi ou médiatique) pour concourir à la présidentielle. Et met accessoirement fin à la malédiction des candidatures en « ot » dans cet exercice périlleux pour les egos prévus vainqueurs par anticipation — Hulot, devancé par Joly, Duflot, qui n’a même pas atteint le second tour en 2016.

Cependant, il serait hâtif de juger que les écologistes seraient devenu·es « politiquement raisonnables » pour avoir choisi la personnalité la plus « évidente », et même « écrasant la concurrence » comme l’affirmaient sans recul la plupart des éditorialistes à la lecture d’un sondage biaisé qui annonçait Jadot à 69 % des intentions avant le premier tout de la primaire, laissant Rousseau et les autres à moins de 12 %. Certes, mâle blanc cinquantenaire, de haute stature (légèrement courbée, quasi-chiraquienne), au verbe tribunicien porté par une voix puissante et chaude, fait l’affaire pour le format des arènes présidentielles de la Ve République. Cependant, en recueillant 51,03 % des suffrages de quelque 104 000 votants (85 % de participation des 123 000 inscrits), il ne l’emporte que d’un cheveu devant une Sandrine Rousseau (49,97 %) que personne n’aurait supposé à un tel niveau. Et si cette primaire racontait une toute autre histoire que celle d’une mise en cohérence des écologistes avec leur ambition nouvelle (par son affirmation bien plus résolue qu’auparavant) d’assumer la plus haute fonction de l’État ?

La dauphine, en dépit de propos civils à l’endroit du vainqueur, qu’elle assure soutenir, n’a pour autant pas vraiment reconnu sa défaite : les courbes étaient en train de « se croiser », avec « une semaine de plus » je l’aurai emporté, affirme Sandrine Rousseau. En bonne logique, elle monnaye auprès de Yannick Jadot une participation pleine et entière à sa campagne électorale, attendant qu’il fasse bien plus que teinter de radicalité symbolique son programme en piochant à sa guise quelques-unes des mesures qu’elle porte.

Il y a là, possiblement, la déception d’une vraie battante, que l’on n’attendait pas si pugnace. Mais surtout l’expression d’une intuition forte – et les trajectoires politiques en sont familières –, validée par son résultat : l’heure serait enfin venue, de plus en plus pressante dans une partie grandissante de l’opinion, de l’accession de femmes au plus haut niveau des responsabilités. Et pas pour conduire un « changement » socialiste à la Ségolène Royal, mais bien pour renverser la table, en imposant une politique radicalement neuve, guidée par l’impératif écologique et social de protéger la planète ainsi que ses habitant·es – les plus discriminé·es d’abord.

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