Ceux qui agissent pour le climat / Les citoyens à l’assaut des investissements fossiles

Ce sont des mouvements citoyens, des collectivités locales, des experts, des gouvernements, des industriels… Leurs réalisations, contributions et engagements les placent en première ligne de la lutte climatique, à la hauteur des objectifs de l’accord de Paris, quand les négociations multilatérales onusiennes n’avancent qu’à petits pas. Et même si ces avancées ne sont pas toutes exemptes de faiblesses et de critiques, elles pèsent à des niveaux suffisamment significatifs pour être encourageantes. Florilège non exhaustif.

Patrick Piro  • 27 octobre 2021 abonné·es
Ceux qui agissent pour le climat / Les citoyens à l’assaut des investissements fossiles
Des activistes de Fridays for Future, le 25 septembre 2020 à Berlin.
© KAY NIETFELD / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP

Depuis que la lycéenne suédoise Greta Thunberg a lancé sa croisade, à l’automne 2018, les jeunes sont devenus le fer de lance des mobilisations citoyennes contre les politiques climaticides. En septembre, Fridays For Future, le mouvement de grève scolaire pour le climat, a suscité l’organisation de plus de 6 000 actions qui ont mis 7,6 millions de personnes dans les rues de 185 pays, recense l’organisation 350.org, qui salue « la plus importante mobilisation de ce genre dans l’histoire » (1).

Et c’est du milieu universitaire que parvient un délectable coup de tonnerre aux oreilles des militants du climat, ce 9 septembre : l’Université de Harvard (États-Unis), la plus riche au monde, annonce que son fonds de dotation (42 milliards de dollars) va retirer ses investissements des secteurs du pétrole et du gaz ; pour le charbon, c’est déjà fait. Cela faisait une décennie que des étudiant·es maintenaient la pression, sur le campus de la prestigieuse institution. L’annonce a immédiatement entraîné une cascade de ralliements au sein d’autres universités et fondations états-uniennes, à quelques jours de l’ouverture de la COP 26.

Le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles est sans conteste l’un des grands succès des mobilisations climatiques. Il a pris une ampleur considérable dix ans après la naissance de l’organisation 350.org, qui l’a enclenché aux États-Unis. 14 500 milliards de dollars : c’était le dernier chiffre en date estimant le poids financier des organismes (institutions, entreprises) s’étant défaits de leurs investissements dans les fossiles. Il devrait être balayé par les récentes annonces. Le réseau Stop The Money Pipeline (« Fermez le pipeline financier ») invitait à guetter la publication, mardi au moment où nous étions déjà sous presse, de son rapport sur le sujet avec une mention gourmande : « Révélation : c’est vraiment un gros montant… »

« C’est la stratégie de la boule de neige, commente Clémence Dubois, de la branche française de 350.org. Les universités ont d’abord été interpellées, puis de proche en proche les institutions publiques, les fonds souverains, les municipalités. Et aujourd’hui, ce sont les banques qui emboîtent le pas. La pression du mouvement climatique crée un risque clair pour leur image au sein de l’opinion. » Il y a deux ans, la Banque européenne d’investissement (BEI), la plus importante au monde dans ce secteur d’activité, annonçait renoncer à partir de 2022 au financement de nouveaux projets liés aux énergies fossiles. Les banques françaises se sont détournées du financement du pipeline Eacop projeté par TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie (2). La Banque publique d’investissement (BPIFrance) est sous la pression d’une campagne citoyenne très soutenue pour qu’elle renonce à financer les projets de forage du pétrolier français en Arctique. Il y a deux semaines, La Banque postale s’engageait à se défaire de 1,2 milliard d’actifs qu’elle détient dans ces filières. « Le mouvement a pris une allure exponentielle. Nous visons désormais des cibles comme la Banque d’Angleterre, la Banque centrale européenne ou la Réserve fédérale des États-Unis, qui nous paraissaient parfaitement hors d’atteinte il y a quelques années », se réjouit Clémence Dubois. Et la campagne percole au-delà du monde occidental, analyse-t-elle : c’est en partie en raison de l’exposition de ses intérêts financiers à l’étranger que la Chine vient d’annoncer qu’elle renonce à de nouveaux projets charbonniers hors de son territoire.

 (1) Lire Ça commence avec une personne, histoire de la génération climat, Yann Perreau, éd. Denoël.

(2) Lire Politis n° 1676, 21 octobre 2021.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes