« Le propre même d’une association est de s’engager pour les principes républicains »

Les organisations sportives sont soumises à une logique bureaucratique qui contraint leurs projets et leur mission.

Emmanuelle Bonnet-Oulaldj  • 23 novembre 2021 abonné·es
« Le propre même d’une association est de s’engager pour les principes républicains »
L’association la Boîte à malice, à Montauban, accueille des enfants dans le cadre de «u2009Quartiers d’étéu2009».
© Patricia Huchot-Boissier/Hans Lucas/AFP

Fruit de la fusion des organisations sportives ouvrières communistes et socialistes en 1934, unies dans la lutte contre la montée de l’extrême droite et du fascisme en Europe, la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) rassemble aujourd’hui 4 700 clubs et propose une centaine d’activités physiques, artistiques et sportives à ses 270 000 adhérent·es. Elle promeut le droit d’accès au sport pour toutes et tous, et propose des activités, des formations et une vie associative permettant l’autonomie et la formation de citoyen·nes éclairé·es.

Pour Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, coprésidente de la fédération et membre de l’Agence nationale du sport ainsi que du Comité national olympique et sportif français, la liberté associative est aujourd’hui mise à mal par une bureaucratie chronophage et des subventions insuffisantes.

Verbatim

« Le sport est un outil d’émancipation. Faire du sport, notamment quand on est une femme, c’est s’approprier son corps, un corps qui, dans nos sociétés, a longtemps été emprisonné. Les -associations sportives jouent un rôle primordial dans cette émancipation, en offrant des espaces de solidarité, de coopération, d’échanges intergénérationnels. Elles réalisent un travail de proximité et participent de la structuration des territoires. Aujourd’hui, il nous faut défendre le sport, certes, mais, plus encore, défendre le sport associatif.

À la suite des révélations de violences sexuelles dans le milieu du sport, nous avons dû mettre en place un « contrôle d’honorabilité », qui permet de vérifier que nos bénévoles n’ont pas fait l’objet d’une condamnation pour infractions sexuelles ou violentes par le passé. Ces contrôles sont évidemment nécessaires. Le problème, qu’il s’agisse d’agressions sexuelles ou d’une supposée « radicalisation » dans le sport, c’est que les réponses fournies sont d’abord répressives et de l’ordre du contrôle. Or, ce qui manque aujourd’hui, ce sont les moyens qui vont permettre aux associations sportives de jouer leur rôle de prévention et d’éducation. La seule honorabilité n’est pas une bonne réponse.

Nous sommes des espaces d’écoute où la radicalisation n’a pas sa place.

La loi séparatisme, là encore, s’inscrit dans une logique de contrôle. Le propre même d’une association est de s’engager pour les principes républicains. Elle agit sur le territoire pour développer un projet, créer de l’échange, de la solidarité, faire se rencontrer des enfants qui ne se croisent pas à l’école, par exemple. L’association est un espace où, justement, tous les enjeux de la République et de la laïcité se retrouvent et vivent ensemble. Or, pour obtenir des subventions, on nous demande aujourd’hui de signer un « contrat d’engagement républicain », d’expliquer quelle est notre stratégie annuelle en faveur de la République et de la laïcité. Conséquence : les fédérations vont de nouveau devoir entrer dans des démarches administratives formalisées, quitte à laisser de côté leurs projets et ce pour quoi elles existent.

Cette logique bureaucratique va tuer le monde associatif, surtout dans un contexte comme celui de la pandémie de covid-19, où la priorité est plutôt d’aller à la rencontre de la population, de travailler avec les associations pour un retour dans les clubs dès le plus jeune âge.

Toutes les expériences montrent que la radicalisation ne se fait pas dans l’association, mais en dehors et de manière isolée. Les associations, qui plus est celles affiliées à une fédération -sportive, parce qu’elles disposent d’un réseau, parce qu’elles sont surveillées par les fédérations, sont plus à même, justement, de créer des espaces d’écoute dans lesquels la radicalisation n’a pas sa place.

Aujourd’hui, il est essentiel de donner aux associations, en particulier celles présentes dans les quartiers populaires, les moyens d’assurer leur fonctionnement et de mener à bien leurs missions. Sans cela, les projets s’érodent et, avec eux, la liberté associative. »

Propos recueillis par Pauline Gensel

Emmanuelle Bonnet-Oulaldj Coprésidente de la Fédération sportive et gymnique du travail.

Société Politique
Temps de lecture : 4 minutes