Lever le tabou de l’inceste

Isabelle Aubry et Gérard Lopez publient un manuel éclairant sur un sujet dont la société française peine toujours à se saisir.

Jean-Claude Renard  • 27 avril 2022 abonné·es
Lever le tabou de l’inceste
Un collage contre la pédocriminalité dans une rue nde Paris, le 22 fevrier 2021.
© Passarello Luna/Hans Lucas//AFP

L’affaire Valérie Bacot est emblématique. Qu’on se souvienne de cette femme, condamnée à quatre ans de prison, dont trois avec sursis, pour le meurtre de son mari, violent et proxénète. L’affaire est typique d’un inceste, puisque Valérie Bacot a été violée par son beau-père avant que celui-ci ne devienne son mari, mais les médias ne retiennent que les violences au sein d’un couple. On parle de femme battue, violée, prostituée, de nouvelle « affaire Jacqueline Sauvage », de vies fracassées, de tyrannie. Le mot « inceste », pourtant au cœur de cette histoire familiale sordide, n’est pas prononcé.

Il a fallu la parution retentissante du livre de Camille Kouchner, La Familia grande, pour nommer ce fléau de santé publique. Une enquête Ipsos pour l’association Face à l’inceste révélait, en 2020, que 6,7 millions de Françaises et de Français avaient été frappés par ces crimes. Rendons-nous compte : sur une classe de trente élèves de CM1 ou CM2, ce sont trois ou quatre gamins qui sont violentés. Une fille sur cinq, un garçon sur huit. Et ce sans tenir compte de l’amnésie traumatique…

Ce crime de masse ne suscite guère d’échos. Tel est le préambule de cet essai, partant d’un fait divers férocement symbolique pour dresser un état des lieux de l’inceste en France. Présenté sous forme de questions-réponses, c’est une sorte de manuel, qui commence par une définition. Celle du code pénal français : est qualifié d’inceste un viol lorsqu’il est commis par un ascendant (parents, grands-parents) une personne dite collatérale (oncle ou tante, frère ou sœur, neveu ou nièce, conjoint, concubin, personne liée par un Pacs), ou encore si la personne a une autorité de droit ou de fait sur la victime.

Isabelle Aubry, fondatrice et présidente de l’association, et Gérard Lopez, psychiatre, président fondateur de l’Institut de victimologie, vice-président du Conseil national professionnel de médecine légale, décédé au moment de la parution de cet ouvrage, se veulent pédagogues. Quels sont les devoirs d’un citoyen et d’un professionnel de santé qui repèrent l’inceste ? Quel est le rôle particulier du conjoint ? Comment porter plainte ? Pourquoi les survivants ne révèlent-ils leur douloureux vécu que des années plus tard ? Quelles sont les conséquences, entre la peur, la honte, le sentiment de culpabilité et le déni ? Qu’est-ce que la dissociation post-traumatique ? Qu’est-ce que l’emprise psychologique ? Comment parler d’inceste aux enfants ? Qui sont les auteurs du crime d’inceste ? Comment se reconstruire ? Quelle thérapie ? Comment affronter la question du pardon ? Autant d’interrogations qui trouvent ici leurs réponses. Un ouvrage de salubrité publique.

L’inceste. 38 questions-réponses incontournables Isabelle Aubry et Gérard Lopez, Dunod, 364 pages, 24,90 euros.

Idées
Temps de lecture : 3 minutes