SCOR, assureur engagé pour le climat ?

À l’occasion de l’Assemblée générale de ce réassureur, un des plus gros au monde, Lucie Pinson, fondatrice et directrice de Reclaim Finance, appelle son directeur général à ne plus assurer le secteur du pétrole et du gaz.

Lucie Pinson  • 18 mai 2022
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SCOR, assureur engagé pour le climat ?
© Photo : Manifestation contre EACOP, un projet de pipeline gigantesque de TotalEnergies en Afrique, le 9 avril (Nicolas Portnoi / Hans Lucas via AFP)

Nommé il y a bientôt un an directeur général de SCOR, Laurent Rousseau fera face à ses actionnaires pour la première fois le 18 mai. Alors que la démultiplication des évènements climatiques extrêmes questionne de plus en plus le rôle des assureurs, Laurent Rousseau se saisira-t-il de l’assemblée générale pour annoncer l’arrêt de ses soutiens à l’expansion de la première cause du réchauffement, les énergies fossiles ?

En tant que quatrième plus gros réassureur au monde, SCOR sait mieux que quiconque les risques que fait peser le changement climatique sur les populations, sur l’économie, et sur le monde de l’assurance lui-même. Le coût des catastrophes naturelles se chiffrait en 2021 à 270 milliards de dollars selon une étude de Swiss Re. SCOR a directement été impacté par l’intensification de ces phénomènes avec des coûts s’élevant à 1,5 milliard de dollars pour le réassureur français, soit environ 10 % de ses primes d’assurances acquises en 2021.

La lente réponse de SCOR à l’urgence climatique

L’urgence est là. D’après le récent rapport du GIEC, il nous reste trois ans pour enclencher la baisse drastique de nos émissions afin de ne pas basculer au-delà des 1,5°C dans un monde déstabilisé et creusé de vastes poches d’inassurabilité.

Et pourtant, SCOR a jusqu’à présent donné une lente réponse à l’urgence climatique. En 2017, SCOR devenait le premier réassureur à dévoiler une politique charbon sur ses activités d’assurance, mais le réassureur français s’est rapidement fait dépasser par ses pairs internationaux. Il lui aura fallu quatre ans pour s’engager à travailler à l’application de ses engagements sur le charbon aux traités de réassurance. Autrement dit, la part du lion des services de réassurances peut toujours soutenir l’expansion d’une des énergies les plus carbonées et les plus nocives pour la santé des populations, souvent décrite comme l’ennemi numéro 1 à abattre pour tenir nos objectifs climatiques et de développement.

SCOR au point mort sur le pétrole et le gaz

Mais surtout, la dynamique lancée par SCOR en 2017 semble au point mort. Contrairement à ses pairs européens – Allianz, Aviva, AXA, Generali, Hannover Re, MAPFRE, Munich Re, Swiss Re et Zurich – SCOR assure sans restriction le secteur du pétrole et du gaz.

L’assureur français s’est bien engagé dernièrement à ne pas assurer le gigantesque projet pétrolier de TotalEnergies en Afrique de l’Est, EACOP, mais il s’agit là d’un engagement ad’hoc alors que le climat requiert une approche systématique et une exclusion de tous les nouveaux projets de production pétrolière et gazière. Telle est la limite tracée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son scenario pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 suivant une trajectoire 1,5°C. Telle est aussi la mesure adoptée par ses concurrents directs, Swiss Re et Hannover Re, qui ont dépassé leurs premières mesures sur le pétrole pour également annoncer l’arrêt de toute souscription à de nouveaux projets gaziers.

Nouveau leadership, coup d’accélérateur ?

Et s’il ne s’agit là que du secteur de la production d’hydrocarbures, les travaux de l’AIE et du GIEC ne laissent pas la place au doute : il nous faut tendre rapidement vers un arrêt total de l’expansion pétro-gazière, sur toute la chaîne de valeur et soutenir massivement le déploiement des solutions dans l’énergie et les autres secteurs très émetteurs. Soyons clairs : les nouveaux projets de production gazière n’ont pas leur place dans un scenario de transition. La feuille de route pour le nouveau directeur général de SCOR semble donc toute tracée.

Le 12 juillet 2021, quelques jours après sa nomination, Laurent Rousseau annonçait la création de l’alliance net zéro des assureurs (NZIA). Un signal fort pour le climat qui s’accompagne d’objectifs clairs : atteindre la neutralité carbone compatible avec une trajectoire +1,5°C des portefeuilles d’assurances et de réassurances à l’horizon 2050. Car le monde de demain se dessine aujourd’hui, c’est sans plus attendre qu’il lui faudra choisir son camp : l’industrie pétro-gazière ou la pérennité de notre avenir et de son propre groupe.

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Tribunes

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