Deux aveux tardifs… mais éclairants

Michel Soudais  • 23 avril 2008
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Nos politiques n’ont pas peur de se contredire. Souvent jusqu’au ridicule qui, comme chacun sait, ne tue pas. Hélas. Car en vingt-quatre heures nous aurions été débarrassés à la fois de la direction du PS et de l’occupant du Palais de l’Elysée. Explications.

1. Les dirigeants socialistes viennent de découvrir que Nicolas Sarkozy ne dispose pas de la majorité des 3/5 au Congrès. C’est ce qui ressort d’un article du Monde (23 avril) publié mardi. Je vous résume le propos : le PS veut bien discuter de la réforme des institutions, dont le projet de loi a été présenté aujourd’hui en conseil des ministres, mais il y met ses conditions. Prioritairement, les élus socialistes réclament une réforme du collège électoral du Sénat, et (accessoirement) le droit de vote des étrangers aux élections locales, l’introduction d’une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale (10 % des députés), ainsi que la prise en compte des temps de parole du président de la République dans le décompte du CSA afin de garantir une certaine « égalité audiovisuelle » . C’est ainsi que le sénateur Robert Badinter, parlant du mode d’élection de la Haute assemblée, menace : « Il n’est pas concevable que nous entrions dans un processus de révision de la Constitution sans qu’il soit remédié à cette anomalie. Si ce préalable n’est pas accepté, la discussion s’arrête, s’il est accepté, elle commence. »

Afin de préciser la portée de cette menace, l’auteure de l’article précise : ### « Pour se faire entendre, les parlementaires socialistes disposent d’un levier : l’UMP et ses alliés n’ont pas, à eux seuls, la majorité des trois-cinquièmes requise pour l’adoption, par le Congrès, d’une révision de la Constitution. »

Cela, les lecteurs de Politis le savent bien puisque c’était précisément le levier qui aurait permis d’imposer un référendum sur le traité de Lisbonne, si tous les parlementaires socialistes avaient voté « non » au Congrès de Versailles, le 4 février. Les lecteurs du Monde , eux, l’ignoraient puisque leur quotidien n’avait jamais daigné les en informer. De leur côté, François Hollande, ses proches, les royalistes et les strauss-kahniens, les présidents des groupes socialistes au Sénat et à l’Assemblée nationale allaient même jusqu’à nier l’existence de ce rapport de force pour mieux justifier leur abstention.

Vous vous en rappelez sans doute. Ils étaient pour un référendum mais il était impossible de l’obtenir, assuraient-ils. Et voilà que pour modifier la seule composition du collège électoral du Sénat (sans toucher au mode de scrutin archaïque des élections sénatoriales) les mêmes montrent aujourd’hui les muscles dont ils disaient ne pas disposer il y a trois mois quand l’enjeu était autrement plus important. Car je doute que ma consœur du Monde se serait avancé à prétendre que Nicolas Sarkozy n’avait pas la majorité des 3/5 requise, si ses interlocuteurs, nombreux, n’avaient pas insisté sur ce point.

2. Sarkozy admet que le droit d’initiative populaire est un pseudo-droit. Le projet de loi constitutionnelle modifiant la Constitution de la Ve République présenté ce matin en conseil des ministres ne reprend pas une disposition suggérée par le comité Balladur: il s’agissait de permettre à un dixième des électeurs d’imposer l’examen d’un texte. A l’Elysée, apprend-on à la fin d’une dépêche Reuters, **cette mesure a été jugée « inutile » parce que cela *« ne constituait pas un droit réel mais une simple faculté de saisir le Parlement d’un projet de texte ».

Surprenant quand on se souvient comment Nicolas Sarkozy vantait l’avancée démocratique que constituait à ses yeux le droit de pétition introduit dans la « Constitution » européenne. Que n’a-t-on entendu sur l’article 47§4 qui créait ce « droit nouveau » qui devait à lui seul justifier que l’on vote « oui »… On est heureux de voir confirmer aujourd’hui que ce n’était « pas un droit réel », comme nous l’avons toujours dit… même si l’aveu est bien tardif.

Temps de lecture : 4 minutes
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