Sur une mystification royaliste

Michel Soudais  • 2 juillet 2008
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Une information peut être présentée de bien des façons. Un nouvel exemple nous est donné avec l’annonce du forfait de Ségolène Royal pour le Conseil national que le PS tient ce soir. L’anecdote mériterait d’être enseignée dans les écoles de journalisme tant elle révèle comment certains organes de presse se préoccupent moins d’informer leurs lecteurs que relayer la communication de ceux qu’ils veulent promouvoir . La voici.

L’info brute de l’AFP

Lundi 30 juin , on apprenait par une dépêche AFP que Ségolène Royal « sera absente mercredi du Conseil national du PS » qui se tient ce soir. Bien que cette réunion constitue pourtant un « rendez-vous important de présentation des contributions en vue du congrès de Reims » , l’ancienne candidate à la présidentielle, qui postule au poste de « chef du parti socialiste » , selon ses propres termes, n’y présentera pas elle-même sa contribution, texte qu’elle a déjà rendu public, samedi, devant près d’un millier de militants (ou supporters, j’hésite). « Najat Vallaud-Belkacem, adjointe au maire PS de Lyon, proche de Ségolène Royal présentera à sa place la contribution [de] l’ancienne candidate à la présidentielle » , annonce l’AFP. Non sans préciser que Ségolène Royal « se rend aux célébrations du 400eme anniversaire de la ville de Québec » . Un voyage « arrêté un an avant » que la présidente de Poitou-Charentes justifie ainsi : « L’explorateur français Samuel de Champlain est né à Brouage en Charente-Maritime » et « de nombreux habitants » de la région « ont émigré au Québec ». Enfin, « un programme de coopération avec le Québec est en cours avec la Région » .

Ultime précision contenue dans la dépêche AFP : Mme Royal a annoncé ce voyage qui l’absente du CN du PS à l’occasion d’une rencontre avec la presse à son QG, rencontre au cours de laquelle elle a remis aux journalistes invités son livre d’entretiens avec Alain Touraine, Si la gauche veut des idées. Il faut croire que Politis en a déjà. A moins que notre journal ne soit pas assez docile puisque, une fois de plus, nous n’étions pas conviés à ces retrouvailles de l’ex-candidate à la présidentielle avec les confrères admis dans ce qu’ils appellent « le Ségotour ».

La présentation flatteuse du Parisien

C’est dans sa rubrique « Couloirs » que le quotidien populaire annonce la nouvelle, le 1er juillet. Il ne s’agit pourtant ni d’une « indiscrétion », ni d’un scoopinet, mais le rubricage a ici précisément pour fonction d’appuyer la véracité de la version donnée. Sous le titre « Promotion Royal » , le Parisien écrit : « Ségolène Royal joue la carte jeune. En déplacement au Québec, elle ne représentera pas demain en personne sa contribution Combattre et proposer devant le conseil national du PS. La mission en revient à Najat Vallaud-Belkacem, 31 ans, jeune conseillère générale du Rhône et ex-porte-parole de la candidate à la présidentielle. Une manière pour l’équipe Royal de ringardiser ses concurrents. » L’art surtout de retourner en sa faveur, le forfait de la candidate. Car avec sa jolie frimousse, la jeune porte-parole n’aura pas besoin d’être (enfin) éloquente pour que les images soient parfaites. De toute façon aucune photo ni enregistrement sonore n’est autorisé dans le CN.

Pourquoi Ségolène Royal se défile

Franchement, qui peut croire un seul instant que ce voyage canadien n’est pas un prétexte? Chacun sait, surtout les «Ségotouristes», que Ségolène Royal siège au conseil national par commodité plus que par attachement à cette instance de débat et de délibération, dont elle sèche régulièrement les séances depuis des années. Avec à chaque fois une «bonne raison». Il n’est pas surprenant qu’à l’heure de postuler la direction du PS, elle se défile à nouveau pour n’être pas mêlé à ce qu’elle considère comme un champ clos idéologique hors-sol. Depuis qu’elle en est membre, elle ne s’y est d’ailleurs exprimé que rarement. Et l’on se souvient avoir rapporté, ici même, qu’elle n’hésitait pas à quitter la salle, sitôt prononcé son discours, sans égard pour ses camarades, pour confier aux micros et caméras qui l’attendaient à l’extérieur les projets qu’elle avait pris soin de taire à la tribune. Fidèle à sa stratégie de contournement du parti, Ségolène Royal est ainsi réputée préférer les lumières médiatiques aux tribunes de congrès.

Lors de la convention nationale sur la déclaration de principe, elle n’a pas pris la parole. Mais s’est longuement entretenue avec la presse entre deux portes.
Se défiler et se faire remplacer par la jeune Najat Vallaud-Belkacem est effectivement habile. Et paraît conforme à «la France métissée» dont sa contribution affirme qu’elle constitue une «chance» . Elle eut été moins crédible de confier l’exercice à François Rebsamen.

Le numéro deux du PS avait l’expérience nécessaire, mais cet homme d’appareil qui, comme un lapsus, portait le poing et la rose tête en bas lors de la dernière convention nationale (voir photo agrandie), ne pouvait sans risquer le ridicule, présenter publiquement une motion qui se prononce pour le «mandat unique des parlementaires» . La conviction des royalistes sur cette question est telle que le même François Rebsamen, déjà maire de Dijon, vient de se porter candidat aux sénatoriales de septembre. Une candidature qui, pour être effective, doit encore être validé par le conseil national ce soir. La contradiction entre le discours et les actes aurait pu se voir.

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