Un exemple de démocratie populaire au PS

Michel Soudais  • 27 septembre 2008
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Vendredi dernier, Hélène Mandroux, maire (PS) de Montpellier, avait « confirmé » , selon le terme de son communiqué, son « entier soutien à l’alliance de Bertrand Delanoë et François Hollande » pour le congrès de Reims, alliance dont elle espérait « qu’elle s’élargira à travers une motion majoritaire » . Les socialistes doivent « être forts et unis derrière un véritable projet de gauche, ambitieux et adapté à notre société » , précisait Mme Mandroux dans ce texte. La prise de position de la maire de la huitième ville de France étant susceptible d’avoir quelque influence localement, l’AFP y avait consacré une dépêches, des radios en avait fait état, des quotidiens avaient répercuté la nouvelle… C’était, il y a une semaine.

Une femme de conviction

Car depuis Mme Mandroux a trouvé un autre « véritable projet de gauche, ambitieux et adapté à notre société » . C’est ce qui ressort des listes de signataires des motions communiquées hier à la presse. Mme Mandroux figure en effet en 12e position de la motion conduite par Gérard Collomb, maire de Lyon, sur laquelle Mme Royal figure en 24e position. Sans qu’elle ait jugé utile d’expliquer sa volte-face. C’est ce qui s’appelle avoir des convictions… A moins que ce ne soit une preuve supplémentaire de l’absence de vraie différence entre le texte d’orientation présentée par le maire de Paris et celui que présentent collectivement les adorateurs de la « dame en blanc » [^2].

### La ligne traitre
Dans la phase précédente du congrès Hélène Mandroux avait signé la contribution dite « La ligne claire » (par antiphrase), emmenée par un quarteron de grands élus comprenant Gérard Collomb (maire de Lyon), Jean-Noël Guérini (président du conseil général des Bouches-du-Rhône), Vincent Feltesse (président de la communauté urbaine de Bordeaux) et Manuel Valls (député maire d’Evry), le champion des révisions doctrinales. Eux-mêmes ne savaient d’ailleurs pas très bien à qui vendre leurs voix [^3] puisqu’après avoir annoncé leur mariage avec Pierre Moscovici afin d’enfanter une motion commune, le 10 septembre, ils s’alliaient le 19 septembre avec Ségolène Royal, répudiant sans égard l’héritier autoproclamé de DSK, le laissant aussi seul que sur une terrasse de La Rochelle. Lachâge de Moscovici, faux-soutien à Delanoë… Ce n’est plus la ligne claire, mais la ligne traitre.

Une fédération modèle

Le revirement subit d’Hélène Mandroux s’explique surtout par les pratiques de la fédération de l’Hérault . Une « fédé » aux méthodes régulièrement décriées (non-respect des procédures d’information des militants, adhérents fantômes, votes massifs connus à l’avance, bureaux de vote mystérieux…) qui, forte de ses 5 200 cartes, compte parmi les plus importantes du PS. Une « fédé » dirigée d’une main de fer par le député européen Robert Navarro, resté proche de Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon et exclu du Parti socialiste en février 2007. C’est Robert Navarro, tout frais élu sénateur, qui a annoncé jeudi à l’AFP son « engagement » et celui de ses « amis » « derrière Collomb-Guérini-Royal » (l’ordre n’est pas indifférent).

Mais il arrive que les fédérations, même les plus monolithiques, se fissurent. Un conflit de fonctionnement qui a surgi au printemps lors de la préparation des élections sénatoriales oppose M. Navarro et ceux qu’on appelle les « frêchistes » au président du conseil général André Vézinhet. Ce dernier s’étant engagé derrière Bertrand Delanoë, il n’était pas question que la maire de Montpellier, mise en place par Georges Frêche, ouvre une nouvelle brèche.

Les proches de Bertrand Delanoë critiquent « des méthodes d’un autre âge » et le fait que la direction de la fédération *« n’a même pas laissé à la maire de Montpellier la liberté de choisir sa motion » . On peut les croire. Les mœurs de cette fédération ils les connaissent bien pour en avoir longtemps profité. L’Hérault a en effet toujours œuvré pour maintenir à flot, par ses pratiques, la majorité de François Hollande. C’est la raison pour laquelle, lui et le maire de Paris avaient souhaité que la majorité des socialistes du département «se rassemblent» derrière eux. Faute de ça, ils avaient demandé que les mandataires de leur motion dans l’Hérault (chargés, entre autres, du contrôle des opérations du vote des militants pour le congrès, le 6 novembre) soient Mme Mandroux et M. Vézinhet. Mais « les représentants de Georges Frêche voulaient tout le pouvoir » , déplorent leurs proches.

Interrogée par l’AFP, Hélène Mandroux assure n’avoir «été forcée par personne» , et être simplement «restée» à «la Ligne traitre», une contribution que «Ségolène Royal a rejoint» (sic). L’honneur de la fédé de l’Hérault est donc sauf. Et le royaume de Georges Frêche peut être considéré comme un modèle du «grand parti démocratique populaire» que prône la motion Royal-Collomb-Guérini-Navarro . Ouf…


[^2]: Alors que toutes les motions ont un premier signataire, « L’espoir à gauche, fier(e)s d’être socialistes » en aligne 24 dans cet ordre : Gérard Collomb, Vincent Peillon, Delphine Batho, Jean-Noël Guérini, Najat Vallaud Belkacem, Aurélie Filipetti, Manuel Valls, Jean-Jack Queyranne, Louis Mermaz, Robert Navarro, David Assouline, Hélène Mandroux, Samia Ghali, Pascal Terrasse, Julien Dray, Yvettes (sic) Roudy, Eric Andrieux, Alda Péreira Lemaître, Dominique Bertinotti, Guillaume Garot, Jean-Pierre Mignard, Jean-Louis Bianco, François Rebsamen, Ségolène Royal.

[^3]: « Grand élu »: fam. Se dit d’un élu qui a des obligés qu’il monnaie

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