Le mécène de Ségolène Royal est prêt à la financer plus

Michel Soudais  • 28 novembre 2008
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L’homme d’affaires Pierre Bergé passe pour être le principal mécène de Ségolène Royal. Ce fait, parfois rapporté au détour d’un article, est bien connu des journalistes politiques. C’est notamment lui qui a mis à sa disposition le «très chic appartement aux murs blancs» du Boulevard Raspail[^2], un 150 m2, siège des comité Désirs d’avenir et son QG de campagne. A la tête d’une immense fortune, gérée pour partie avec Alain Minc dans une société dénommée Oléron participations, l’ex-PDG (fondateur) de la société Yves-Saint-Laurent, s’est toujours piqué de politique. On l’a connu mitterrandien sous Mitterrand, pro-Chirac en 1995 contre Lionel Jospin avec des motivations qui peuvent expliquer son engouement pour Ségolène Royal [^3].

Le 20 novembre, Pierre Bergé avait réservé un joli restaurant pour que l’équipe royaliste se retrouve au soir du premier tour de l’élection pour le poste de Premier secrétaire du PS. Au soir du second tour, on l’a vu à la Maison des Polytechniciens où l’équipe de la présidente Poitou-Charentes comptait fêter sa victoire. Il apparaît aussi en bonne place sur les photos du meeting du Zénith.

Vue l’importance financière de ce milliardaire dans le dispositif politique de Ségolène Royal , l’entretien réalisé par Benjamin Sportouch, journaliste de l’AFP, apporte une information intéressante. Pierre Bergé y juge «lamentable» les conditions de l’élection de Martine Aubry à la tête du PS, et annonce qu’il poursuivra son soutien, notamment financier, à l’ex-candidate à l’Elysée dans la perspective de 2012 face «au vieux» PS. Voici ce document dans son intégralité.

QUESTION: Comment avez-vous accueilli l’élection de Martine Aubry à la tête du PS?

REPONSE: Je connais Martine Aubry, c’est une amie depuis très longtemps. Mais j’accueille très mal son élection parce qu’on ne dirige pas un parti avec 102 voix d’avance, qui sont vraiment ridicules. Finalement, la vraie gagnante de cette élection s’appelle Ségolène Royal puisqu’elle a 50% des voix derrière elle. Martine Aubry ne peut diriger ce parti qu’avec des petits morceaux, de Delanoë, d’Hamon, de strauss-kahniens, de jospinistes et un petit morceau d’aubrystes. Il est fort possible que le PS soit ingouvernable mais c’est tant pis. La sagesse aurait été de recourir à un troisième vote. Pas tout de suite
mais dans deux, trois mois quand les esprits se seraient apaisés. Ce qui s’est passé est totalement lamentable et n’est pas digne du parti de Jaurès, de Blum et de Mitterrand.

Q: Selon vous, il y a eu une fronde anti-Ségolène Royal?

R: Incontestablement. On ne lui pardonne pas d’avoir été là quand les autres n’y étaient pas, d’avoir été populaire quand ils ne l’étaient pas et d’avoir été désignée (en 2006) par les militants du PS. J’observe une chose extraordinaire: quand François Mitterrand a été battu par deux fois on n’a pas remis en cause sa légitimité, idem quand Lionel Jospin a été battu de façon très sévère en 1995 avant de se représenter en 2002. Ce qui irrite et ce qui séduit chez Ségolène,
c’est finalement la même chose: une manière très nouvelle de faire de la
politique. C’est aussi probablement qu’elle est jolie et ça ça dérange. J’ai
beaucoup d’admiration pour son attitude et pour son entourage. Elle sera là en 2012 et d’ici 2012 elle doit construire un projet. S’il y a des primaires, je ne pense pas, et elle non plus, qu’elle perdra.

Q: Vous continuerez donc à soutenir Ségolène Royal?

R: Je la soutiens complètement depuis des années et je continuerai. J’irai plus loin s’il le faut dans l’aide (financière) que j’apporte à (son mouvement) Désirs d’avenir. C’est autre chose qu’un courant car il y a des militants qui en ont marre du vieux parti socialiste, des courants dans lesquels seul le commandant Cousteau pourrait s’y retrouver. Ségolène Royal procède d’un vote populaire, d’une démocratie participative. Tout ça est complètement différent du
PS. Il faut qu’elle soit la candidate en 2012 sous le drapeau du PS mais surtout sous les couleurs de la gauche. A force d’une direction qui n’existe plus depuis des années, il n’y a plus de PS en tant que tel. Il n’y à qu’à voir dans quel état François Hollande a laissé ce parti et tout ça étant bien entendu totalement fabriqué par Lionel Jospin.


[^2]: Le Monde, 4 décembre 2007

[^3]: «Je soutiens Jacques Chirac car il est le seul à exprimer une volonté politique novatrice» , proclamait dans une tribune confiée au Monde (11 mars 1995) notre milliardaire en expliquant que son candidat représentait une «droite populaire» et qu’ «être de gauche c’est préférer le peuple aux salons et aux conseils d’administration» . «Est-ce si déraisonnable ou déshonorant que de souhaiter que les partisans du changement, à droite comme à gauche, s’unissent contre les tenants, à droite et à gauche, de l’immobilisme et des faux espoirs ?» , interrogeait-il.

Temps de lecture : 4 minutes
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