Les socialistes virent royalistes

Michel Soudais  • 7 novembre 2008
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Ségolène Royal sort gagnante du vote sur les motions. Un scrutin marqué par une faible participation (un peu plus de 55 %). Dès les premiers résultats des fédérations, l’ex-candidate à la présidentielle apparaissaient assez nettement en tête. Son texte devance de 4 points environ ceux de Bertrand Delanoë et Martine Aubry au coude-à-coude. La gauche du PS, rassemblée derrière Benoît Hamon, bute sous la barre des 20 %.

Il était un peu plus de 2h30 quand Stéphane Le Foll, a annoncé les résultats officiels quasi-définitifs . Manquaient encore les résultats du Cher, des Français de l’étranger et de plusieurs fédérations d’outre-mer: Guadeloupe, Martinique, Guyane, Wallis et Futuna, en raison du décalage horaire. Le directeur de cabinet de François Hollande, en accord avec les mandataires de chacune des motions, s’est donc contenté de donner des estimations portant sur 128.978 votants , quand le PS comptait 232.511 adhérents en capacité de voter [^2]:

  • Motion A [^3] (Bertrand Delanoë): autour de 25%.
  • Motion B [^4] (Pôle écologique): autour de 1,50% à 2%.
  • Motion C [^5] (Benoît Hamon) : autour de 19%.
  • Motion D [^6] (Martine Aubry): autour de 25%.
  • Motion E [^7] (Ségolène Royal): autour de 29%.
  • Motion F [^8] (Utopia): autour de 1,50% à 2%.

Un bon quart d’heures plus tôt, le marseillais Patrick Menucci, fidèle soutien de Ségolène Royal, avait fièrement exhibé devant quelques journalistes rassemblées en bas des marches de l’escalier monumental du siège du PS, une feuille manuscrite présentant des résultats en apparence plus précis.

Sur les 127.040 votants de ce relevé personnel , Ségolène Royal obtenait 29,12%, Bertrand Delanoë (24,91%) n’était séparé que de 534 voix de Martine Aubry (24,41%), suivi de Benoît Hamon (18,66%). Le pôle écologique (1,6%) devançait Utopia (1,24%).

Un désaveu de l’appareil

La piètre performance de la motion conduite par Bertrand Delanoë , qui n’obtient que 36,7% à Paris, constitue un revers pour la direction sortante, puisque François Hollande, tout comme les présidents des
groupes parlementaires, Jean-Marc Ayrault et Jean-Pierre Bel soutenaient ce texte sur lequel se rassemblaient aussi Pierre Moscovici, Lionel Jospin (absent de Paris, il n’a pu voter) ou Michel Rocard. Favori des sondages, Bertand Delanoë se voyait autour de 40%… Candidat déclaré au poste de numéro un du parti, le maire de Paris n’est
même pas certain d’arriver deuxième. C’est un «coup de tonnerre sur l’appareil du parti» , estime le strauss-kahnien Jean-Christophe Cambadélis, «du jamais vu» .

Ségolène Royal, soutenue par d’importantes fédérations comme les Bouches-du-Rhône, où elle a obtenu 73,12% (4.299 voix), et l’Hérault obtient sa revanche. François Rebsamen, numéro deux du parti et soutien de Mme Royal, voit dans le vote «un choix en faveur du changement, de la transformation du parti» . Une analyse assez voisine de celle de Benoît Hamon, qui se félicite d’un score où il voit «la marque d’une volonté de changement, de réorienter le message des socialistes vers une gauche plus décomplexée, plus résolue» . Si, comme l’analyse aussi Christophe Borgel (pro-Aubry) «la volonté de changement l’a emporté» , il reste d’ici Reims à définir ce changement. Au nom de la tradition, qui veut que le rassemblement se fasse autour de la motion arrivée en tête (règle rappelé dernièrement encore par François Hollande), le pire est à craindre.

80% pour une ligne sociale libérale de résignation

Le petit courant Utopia fait de ce scrutin une lecture moins naïve. «80 % des adhérents PS ont préféré voter pour une ligne politique sociale libérale de résignation, qui accompagne le système; 80 % des adhérents PS semblent essentiellement préoccupés par la recherche d’un(e) leader « charismatique »» , écrit-il dans un communiqué. Avant de s’interroger: «Le PS reste-t-il le bon outil militant pour défendre un projet « altermondialiste et écologiste » ? Le PS est-il encore un parti d’avenir, porteur d’espoir ?» Avec «perplexité et inquiétude» ses militants attendent le Congrès de Reims, «dernière occasion , selon eux, pour le PS de se ressaisir» .

Des interrogations que partagent sûrement plus de militants socialistes que les 1.600 qui ont donné leur voix à Utopia.


[^2]: Dans l’hypothèse où 65.000 d’entre eux auraient régularisé leur cotisation.

[^3]: «Clarté, courage, créativité: Une gauche conquérante pour redonner un espoir à la France»

[^4]: «Face à l’urgance sociale et écologique. Pour un parti socialiste résolument écologique»

[^5]: «Un monde d’avance, reconstruire l’espoir à gauche»

[^6]: «Changer à gauche pour changer la France»

[^7]: «L’espoir à gauche, fier(e)s d’être socialistes»

[^8]: «Socialistes, Altermondialistes, Ecologistes»

Temps de lecture : 4 minutes
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