Le Prolo Catarrheux A Du Souci À Se Faire

Sébastien Fontenelle  • 4 avril 2010
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Une déclaration faite il y a quelques jours[^2] aux États-Unis d’Amérique par le chef de l’État français (CÉF) donne très fort l’impression d’avoir été amputée de quelques mots, dans la presse.

D’après un quotidien barbichu, le CÉF a souhaité au President of the United States , qui venait d’obtenir que soit un peu amélioré le système local de santé: «Bienvenue dans le club des États qui ne laissent pas tomber les gens malades» .

Cette phrase, dite par le CÉF, est totalement incompréhensible – en même temps qu’assez burlesque -, au regard, notamment, de son engagement constant, depuis trente-six longs mois, en faveur de l’abandon, précisément, des gens malades, sitôt que ces gens ont un revenu, à l’an, inférieur au prix, conséquent, d’un aller-retour en avion d’Alain Joyandet.

Il eût été plus conforme aux réalités de son règne qu’il déclare plutôt: «Bienvenue dans le club des États qui ne laissent pas tomber les gens malades, et qui sont par conséquent très cons, parce que bon, les gens malades, c’est bien gentil, mais ça douille grave, et moi, tu m’excuseras, j’ai quand même aussi des nanti(e)s à nantir, alors ton club de philanthropes à deux balles, tu sais quoi, tu t’le prends, tu t’le roules, et tu t’en fais un gros suppo» .

Car, de fait, comme le narre la journaliste Emmanuelle Heidsieck dans un ouvrage collectif paru ces jours-ci[^3]: depuis deux interminables années – si interminables, au vrai, qu’on dirait bien qu’elles ont déjà duré vingt ans -, le hideux gouvernement de guerre (de classe(s)) qui prétend régner sur nos vies procède, «par touches successives» , profitant que nous fermons si gentiment nos gueules, au démantèlement systématique du (regretté) modèle social francuski , et par exemple au «dépeçage de l’assurance-maladie, de déremboursements de médicaments en hausse du forfait hospitalier (de 16 à 18 euros en 2010)» , et à son transfert, travesti en «réformes» , vers des «organismes complémentaires» : des «entreprises commerciales (…) dont la règle d’or est la sélection des risques, ce qui revient à couvrir en priorité les jeunes bien portants à des tarfis raisonnables et à surtaxer les malades et les personnes âgées, quand ils ne sont pas carrément radiés» .

Nous avons là, relève Emmanuelle Heidsieck, « l’équation idéale d’un système juteux pour les actionnaires» , qui présente l’aimable singularité qu’ «il n’affecte pas les couches aisées de la population» , et qui «peut» , certes – un peu comme aux États-Unis avant qu’Obama n’engage un bout de changement – « avoir des conséquences dramatiques pour les millions de personnes qui, faute de moyens suffisants, n’ont pu souscrire qu’à une mauvaise complémentaire ou en sont carrément dépourvues» , mais quelle sotte idée, aussi, ont ces millions de personnes d’être (des salauds de) pauvres?

Philosophe renommé de l’inégalité parmi les hommes, le CÉF a d’ores et déjà dit, rappelle Emmanuelle Heidsieck, son ambition, parmi plusieurs, d’en finir avec «la prise en charge à 100 %» des affections de longue durée.

Il veut, également, un transfert «aux complémentaires d’une partie des frais occasionnés par les maladies chroniques» .

Le prolo catarrheux a du souci à se faire.

Et bien sûr: «Pour justifier une telle régression sociale, l’accent est mis sur le déficit» .

(Comme dans les bouquins de Laurent Joffrin.)

Le trou d’la Sécu, mâme Chabot: c’est quelque chose d’assez tragique.

Et bien sûr, dans la vraie vie, de l’argent, il y en a, dans les caisses du patronat: «Il suffirait» ainsi de hausser la CSG «d’un point pour obtenir 11 milliards d’euros» , qui feraient assez joli dans le trou de la Sécu (mâme Chabot), explique Emmanuelle Heidsieck.

Et il y en a, aussi, dans les caisses de l’État, lorsque vient le moment – et il revient souvent, sous le règne des Versaillai(se)s – de plus et mieux gaver la (pansue) possédance: le bilan du solide bouclier fiscal dont l’a dotée le régime est par exemple, rappelons, que cent détenteurs d’un patrimoine supérieur à 15.800.000 euros ont reçu, joies de l’entre-soi, un chèque d’un montant moyen de 1,15 millions d’euros – qui font toujours ça, n’est-ce pas, dont la gueusaille pourra faire son deuil, mais rappelle-toi quand même que t’as bien fait d’voter pour moi.

Autre exemple, rapporté par Serge Halimi: « Il y a dix-huit mois (…) _, au lieu de subordonner son sauvetage des banques en perdition à une prise de participation dans leur capital, laquelle ensuite aurait pu être revendue avec un joli bénéfice, le gouvernement français a préféré leur consentir un prêt à des conditions inespérées… pour elles_ ».

Résultat: «Vingt milliards d’euros de gagnés pour leurs actionnaires» .

Soit: «Presque autant que le déficit de la Sécurité sociale l’an dernier» .

Bienvenue au club où qu’on prend à celles et ceux qui n’ont rien, pour donner à celles et ceux qui ont tout.

De la main droite: le CÉF bousille nos sécurités sociales.

De la main gauche, il écrit – façon de parler – d’émouvantes leçons d’humanisme, d’où ressort qu’il est un meilleur ami des gens malades.

Et il aurait tort de brider son imagination, puisque aussi bien, j’ai bien chercher: on n’est pas (du tout) dans la rue, à le prier qu’il s’en aille – ou si vraiment tu veux qu’on fasse péter l’usine?

[^2]: Le 29 mars.

[^3]: Et dont la presse, je crains, taira le contenu, insuffisamment réformiste.

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