Des Nouvelles D’Ivan Rioufol

Sébastien Fontenelle  • 9 avril 2011
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Illustration - Des Nouvelles D'Ivan Rioufol

Les commentaires vont bon train, au Figaro de Serge Dassault (de l’UMP), après que son bloc-noteur vendredique a été admis, mercredi dernier (18 avril 2012), dans une maison de repos – vous serez bien, là, m’sieur Rioufol, vous verrez, vazy, Raymond, fais-lui sa piqûre…

Fais-lui sa piqûre , bordel.

L’avis général, dans les couloirs du fameux quotidien régimaire, est que c’est «à force de ne lire que des livres de Jean Raspail» , qu’Ivan Rioufol a commencé à voir partout des petits hommes verts déboulés d’ailleurs avec des intentions ### très inamicales – nous ne venons ### certainement pas en paix, ma couille, nous n’avons ### certainement pas fait huit cents milliards de kilomètres en territoire klingon pour te proposer un abonnement à Pèlerin , chien d’infidèle.

«Ces bouquins lui ont incontestablement tapé sur les neurones, mais il est vrai aussi que tous ces apéros sauciflard und pinard de l’automne dernier n’ont pas dû lui faire que du bien: quand t’es sujet à de récurrentes hallucinations, c’est sûr que le Beaujolais arrange pas, si nouveau soit-il.»

Explique un (proche) collaborateur de Serge Dassault (de l’UMP).

Rappelons que c’est au mois de février 2012 que les voisin(e)s de Figaro d’Ivan Rioufol ont commencé à se «poser des questions» , après la publication de son «tristement fameux papier du vendredi 24, qui se terminait sur ces paroles assurément maladroites: “Car enfin, mâme Dupont, que cache le discours bonasse des bien-penseuses salopes islamo-fillonistes – sinon l’accrue bougnoulisation de l’Haute-Garonne?”»

«Maintenant que j’y repense, je me dis qu’on aurait dû se montrer plus attentifs à certains signes» , regrette un directeur adjoint du Figaro (dont le témoignage (exclusif) vaut d’être un peu longuement cité, pour ce qu’il nous révèle de notre commune part d’humanité[^2]).

«On aurait dû le voir venir, quoi.

Moi qui vous parle, Dieu sait: je suis pas le dernier à briser, s’il faut, du tabou – je vous rappelle quand même que c’est moi qui ai, le tout premier, osu écrire, noir sur white *, à une époque où tout le monde se chiait dessus à l’idée d’être traduit devant le tribunal de la pensée correcte, que le Parti national-socialiste des travailleurs français (PNSDTF) était* évidemment un parti comme les autres, et que si ces gens-là ne sont pas républicains, qu’on le dise, et qu’on les interdise, mais que si qu’on le dit mais qu’on les interdit pas, réfléchissez-y, mâme Dupont, c’est-y pas qu’ils sont républicains?

*C’était même devenu le prétexte à d’amusantes taquineries (sur fond de saine émulation), entre Ivan et moi: on jouait à c’est-moi-que-je-serai-le-plus-ziconoclaste.

Mais j’avoue que même moi, qui ne suis donc pas* exactement le premier bien-penseur venu?

Même moi: j’ai trouvé qu’il y était allé un peu fort, quand il a expliqué sur RTL qu’il avait compté, “rien qu’au premier étage du Café de Flore, pas moins de cent-vingt millions d’Arabo-musulmans”.

Je dis pas du tout que tu les as pas vus, Ivan, je lui ai fait – mais t’étais vraiment obligé de lancer cet appel à les buter jusque dans les chiottes?

Alors toi aussi, il m’a répondu: toi aussi *, putain de merde, t’es avec eux…*

*Et il a fondu en larmes.

C’était poignant.

Repose-toi, Ivan, je lui ai conseillé.

Pars donc faire une longue randonnée en forêt – tu reviendras après le solstice.

Merci, mais surtout pas, il a répondu: tout le monde sait que c’est* justement dans les forêts qu’ ils se rallient avant l’Assaut Final.

*Mais il est quand même parti, on l’a plus vu pendant quinze jours, et je sais pas où il est allé, mais quand il est revenu, il était très, très agité, il arrêtait pas de lancer des regards hallucinés vers le ciel.

Je lui ai demandé: “Ça va pas, Ivan?”

Mais putain, il a répondu: tu les vois pas?

(Et tu me demandes si ça va?)*

C’est juste après, qu’il a écrit ce billet totalement bizarre, qui se finissait par ces mots: “Iâ-R’lyeh! Chtulhu fhtagn! Iâ! Iâ!”

Mais attendez: bien sûr *, qu’on l’a trappé, son billet.

C’était impubliable – même chez nous!

On l’a remplacé par une “lettre ouverte” de Christine Clerc “à un jeune (mais pléonasmique) Arabe délinquant” – et je reconnais qu’on n’aurait peut-être pas dû: je crois que pour Ivan, ç’a été un rude coup.*

*Le lundi matin, il s’est pointé au journal en treillis léopard, avec autour du cou un collier d’oreilles.

Des oreilles en plastique, d’accord – mais je vous assure que c’était quand même* bien flippant .

*Ce jour-là, manque de bol: le patron – Serge Dassault, de l’UMP, retour de Libye – nous a fait une visite impromptue.

Il aperçoit Ivan, il lui lance: “Ça vous va bien, le camouflage, m’sieur Rioufol”.

Là?

L’autre se jette sur lui et commence à lui maraver le faciès à grands coups de crucifix, en hurlant: SORS DE CE CORPS, TARIQ RAMADAN!

C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’il était* complètement *craqué du cheveu – et que j’ai appelé l’hôpital.

À mon grand soulagement: les dernières nouvelles sont plutôt bonnes.

Au début, Ivan a refusé de se nourrir: tu peux te le mettre au cul, ton Tranxène halal, Mohammed, il gueulait.

Puis il recommençait à paslmodier le nuage de tags de son blog: bien-pensant, bien-pensante, bien-penser, bien-pensisme…

Mais depuis le mois dernier, il va beaucoup mieux: il fait de longues promenades dans le parc, et quand il croise l’empereur, il lui demande très poliment, pardon, Très Saint Père, pourriez-vous m’indiquer le boulevard Raspail?

Reviens-nous vite, Ivan: RTL* aussi a besoin de toi.»

[^2]: Crois-m’en, Buddy, ce bouleversant récit devrait tou(te)s nous faire réfléchir.

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Temps de lecture : 5 minutes
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