Primaire du PS : un dernier débat sans surprise

Le 3e et dernier débat entre les candidats à la primaire du PS n’a pas révélé de changement dans la distribution des rôles. Et c’est donc encore très nombreux que les téléspectateurs ont retrouvé les personnages des deux premiers épisodes de la série.

Michel Soudais  • 6 octobre 2011
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Primaire du PS : un dernier débat sans surprise

Fred Dufour/ AFP

Martine Aubry, la rassembleuse, toujours prompte à rappeler les termes du projet socialiste, volontaire et sérieuse, limite roborative. Ségolène Royal, en avocate des petites gens, qui rêve de reprendre « la belle campagne » de 2007. Jean-Michel Baylet, l’égaré radical, raide planté derrière son pupitre, en critique du projet du PS. Arnaud Montebourg, l’avocat de la « démondialisation », déterminé à incarner la gauche du PS avec un programme qui « va plus loin que le programme socialiste » . Manuel Valls, le plus « blairiste » de tous, habité par l’obsession de « dire la vérité » néo-libérale aux Français. François Hollande enfin, drapé dans la posture du favori au-dessus de la mêlée, très prudent mais un brin hautain, s’est gardé d’avancer des idées nouvelles et a encore esquivé les attaques. Il n’a ainsi pas répondu sur le plateau à la pique de Martine Aubry, qui a lancé en début d’émission : « On ne pourra pas battre une droite dure si on est une gauche molle. » Mais ce matin, sur France inter, le député de Corrèze a répliqué que la gauche « il vaut mieux qu’elle soit efficace. Le problème n’est pas de savoir si elle doit être dure ou molle. Il faut une bonne gauche. »

Jean-Marie Bayle, directeur de l’information de Public Sénat, rapporte sur le site de la chaîne, un incident que l’on n’a pas vu à la télé:
«A la première coupure publicitaire le studio tremble. Arnaud Montebourg en furie se précipite sur le directeur du Nouvel Observateur , Laurent Joffrin. « Vous n’avez pas le droit de m’interrompre comme vous l’avez fait à plusieurs reprises quand je m’exprime, c’est encore une fois le Nouvel Observateur qui se distingue. Avec les autres candidats vous la fermez » . Le patron de l’hebdomadaire de la place de la Bourse ne se démonte pas, toujours assis il arme sa meilleure ironie : « Je vous suggère que la première mesure à prendre quand vous serez président soit la suppression du Nouvel Observateur ». L’élu de la Saône-et-Loire reçoit cette réplique accompagnée d’une explosion de rire. Alors dans un geste théâtral, voyant l’assistance médusée et inquiète de sa réaction Arnaud Montebourg se retourne lentement et sur un ton emphatique, dont il est d’ailleurs le seul homme politique à user, lâche : « Non, je surtaxerai d’abord la mauvaise foi ».

Cette question identitaire – qu’est-ce qu’être de gauche ? – a irrigué les débats , tout au long des deux heures trente de confrontations au cours desquelles les candidats ont montré leur différence sur l’Europe, l’économie, les retraites, la santé, l’éducation, les services publics et les banlieues. Ce fut le cas lorsque, pour monter les candidats les uns contre les autres, Laurent Joffrin demanda à Arnaud Montebourg et Ségolène Royal ce qu’ils répondaient à Manuel Valls qui, dans la presse, avait qualifié leurs propositions de « démagogiques » . Courroucée, Ségolène Royal défend son idée d’interdiction des licenciements boursiers, rappelle que la justice a finalement donné raison aux salariés de LU, et conclut : « Si nous ne sommes pas capables d’inscrire dans la loi ce que disent les tribunaux, nous ne sommes plus socialistes. » Venant à sa rescousse, Martine Aubry interroge : « Pourquoi voter à gauche si on ne veut pas changer les choses ?»

Changer les choses n’est pas la tasse de thé de François Hollande. Trois jours après avoir esquissé un début de renoncement sur le mariage homosexuel et l’homoparentalité, quelques heures après être revenu sur l’abrogation de la loi Hadopi qu’il souhaite à nouveau «supprimer» depuis ce matin, le député de Corrèze, rejoint sur ce point par Manuel Valls et Jean-Michel Baylet, ne veut pas contraindre les jeunes médecins à s’installer pendant trois ans dans les déserts médicaux comme le prévoit le projet du PS. «Vous croyez qu’on peut obliger un médecin qui a fait des études à s’installer en Corrèze ?» doute-t-il. «Les mesures incitatives ça ne marche pas» , tacle Martine Aubry. « Quand on sort jeune médecin , explique la maire de Lille, alors que les citoyens vous ont payé 10 à 12 ans d’études et que la Sécurité sociale va rendre solvables tous les clients qui rentrent chez vous, on vous demande de passer 5 ou 10 ans dans des zones rurales ou dans des quartiers de nos villes où il n’y a pas de médecins, ça ne paraît pas aberrant. »

Ce troisième débat ne nous a rien appris de décisif sur les positions des uns et des autres. On ne saurait qualifier ainsi l’explication de mots de Manuel Valls qui veut « plus de fédéralisme européen » en précisant aussitôt qu’il n’entend « pas (le fédéralisme) au sens Europe fédérale mais gouvernance économique » . On regrettera toutefois qu’à aucun moment, au cours de leurs trois émissions, les candidats n’aient parlé du logement, qui figure pourtant dans le trio de tête des préoccupations des Français, et que la politique étrangère de la France ait été oubliée. Débattre de la politique de la France au Moyen-Orient, avec notamment la question israélo-palestinienne, était sans doute à leurs yeux trop risqué. Dommage.
La confrontation d’hier soir aura néanmoins permis d’apercevoir les rapprochements susceptibles de se former au second tour. Avec un bloc Hollande-Valls-Baylet d’un côté, Aubry-Royal-Montebourg de l’autre.

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