Une Leçon De Dignité De Jacques Julliard (Et De «Marianne»)

Sébastien Fontenelle  • 6 avril 2012
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Une Leçon De Dignité De Jacques Julliard (Et De «Marianne»)

Après avoir longtemps servi chez Le Nouvel Observateur , l’éditorialiste Jacques Julliard émarge désormais chez Marianne , où l’on se pique assez volontiers (tu vas voir qu’il est important de le souligner) d’aller contre le «terrorisme de la bien-pensance» qui fait qu’on peut carrément plus rien dire d’un peu iconoclaste sans se faire traiter de fasciste, dans ce foutu pays, mâme Dupont – mais nous qui avons de la tenue, nous ne mangeons pas de ce pain là: c’est pas nous qu’on usera de tels procédés, croyez-nous[^2], c’est trop dégueulasse.

Dans le numéro de Marianne qui sera demain matin dans les kiosques: Jacques Julliard s’intéresse au cas de Jean-Luc Mélenchon – sur qui la presse dominante, en même temps qu’elle moque son électorat, dégueule depuis quelques semaines des tombereaux de saloperies.

Et que dit Jacques Julliard (qui appelle à voter pour François Hollande)?

Jacques Julliard explique qu’ «il faut» , bien sûr, dans une campagne électorale, «faire sa part au rêve» , et que Jean-Luc Mélenchon fait ça très bien, qui «le dit avec ses mots» [^3].

Mais c’est pour aussitôt préciser que lui, Jacques Julliard, peut-être par l’effet (qui sait) d’un «excès d’individualisme» , se «méfie» , précisément, «des gens qui se donnent pour mission de» le «faire rêver» .

(Et qui sont donc des gens comme, par exemple, Jean-Luc Mélenchon [^4].)

Car en effet, lui, Jacques Julliard, est «assez grand pour rêver tout seul» .

Et Jacques Julliard ajoute ceci, qui devrait faire date dans l’histoire de la dignité journalistique: «Les enthousiasmes collectifs organisés, tels qu’on les pratiquait dans l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, très peu pour moi.»

(Je te le remets en gras, pour si tu croirais n’avoir pas bien lu: ### «Les enthousiasmes collectifs organisés, tels qu’on les pratiquait dans l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, très peu pour moi.»)

Et bien sûr, Jacques Julliard s’empresse de préciser que, «fort heureusement, nous n’en sommes pas là» – puisque pour l’instant, et nonobstant que Jean-Luc Mélenchon forge du rêve au kilomètre, personne n’a encore pavoisé le stade Charléty d’oriflammes à croix gammées.

Mais Jacques Julliard a tout de même fait sa misérable petite besogne: dans l’espace (congru) de quelques lignes de son éditorial de la semaine, il a très posément suggéré qu’il y avait dans les rassemblements mélenchonistes où se réchauffe la gauche quelque chose des grand-messes nazies d’antan, façon Nuremberg.

C’est ainsi qu’à Marianne on promeut la pudeur – mais je vais garder pour moi ce que m’inspire cette immense décence: je voudrais pas non plus me faire (encore) traiter de bien pensant.

[^2]: La «pensée unique» , nous autres, de chez Marianne ? On l’emmerde. À pied, à cheval, et en voiture.

[^3]: Par cette considération, tu l’auras compris: Jacques Julliard ajoute sa voix à celles des patrons et de leurs fidèles tambourineurs de médias, qui depuis quelques jours vont bramant que le programme Jean-Luc Mélenchon n’est pas du tout réaliste.

[^4]: Puisque c’est à lui que Jacques Julliard consacre son éditorial, et de lui que Jacques Julliard vient de narrer qu’il faisait sa part au rêve: je sais que j’ai l’air d’y insister un peu lourdement, mais tu vas voir que ça vaut le coup.

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