Faut il sauver les poulets Doux ou les voitures Peugeot à tout « prix » ou changer ces productions ?

Claude-Marie Vadrot  • 12 juillet 2012
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Le gouvernement et le préposé à la démondialisation et au Redressement productif (tout un programme !) se torturent les méninges, avec beaucoup d’autres, sur l’art et la manière de « relancer » la production automobile pour sauver Peugeot. Et s’ils avaient encore un sou dans leur cagnotte, ils nous mitonneraient une prime à la casse pour virer les vieilles caisses et les remplacer par des neuves. Double gaspillage perpétré au nom de l’emploi. Faute d’imagination. Notamment d’un certain Arnaud Montebourg qui appelle les Français à se « rassembler autour des voitures françaises » . Plus ridicule, on ne fait pas. Et quand il ajoute qu’il faut un plan pour « sauver la contruction automobile en France » plus ringard, on ne fait pas.

Le gouvernement et le préposé à la poursuite d’une Politique Agricole Commune qui ne s’intéresse qu’à la quantité et non à la qualité, se lamentent et exercent leur imagination pour sauver les poulets Doux, Dodu et consorts. Ils rêvent d’aider la poursuite de la « production » (on y revient, ce n’est pas de l’agriculture) de ses 253 millions de poulets annuels chimiquement et artificiellement nourris pour être maintenu en vie, notamment grâce à l’emploi d’antibiotiques, jusqu’au jour de l’abattage, six semaines au plus après la remise des poussins de quelques jours aux paysans éleveurs du début de cette chaîne de la bouffe. Si il restait un sou en caisse ils distribueraient des primes au grandes surfaces pour nous en faire manger plus. Poule au pot tous les jours ! De quoi inciter à se souvenir de Ravaillac…

Quel rapport entre les carcasses de bagnoles qui s’accumulent et les carcasses des poulets qui empoisonnent les consommateurs et la planète ? L’emploi, l’emploi sans réflexion sans réflexion à long terme, l’emploi à tout prix sans se poser la moindre question. Sauf le jour de la catastrophe annoncée. Cela fait des années que les poulets de batterie se vendent moins bien et que Doux ne survit qu’avec des subventions européennes à l’exportation. Cinquante à soixante millions d’euros chaque année. Cela fait des années que les Français réduisent leurs achats de voitures, pour des raisons écologiques ou économiques. Cela fait des années que les véhicules Peugeot (et d’autres) se bradent plutôt qu’elles ne se vendent. Tout le monde le savait et le disait. Cela fait des années que ce type d’entreprises se précipitent vers le mur du productivisme en sachant qu’elles vont s’y écraser ; cela fait des années que de rares économistes et de nombreux écologistes expliquent que ce ne sont pas les usines qu’il est nécessaire de changer, mais les produits. En faisant preuve d’imagination, en se souvenant que le monde et les consommateurs changent ; et que la planète rétrécit.

Bien sur les milliers de salariés de Doux et de Peugeot vont être mis au chômage, avec tous les drames que cela implique. Mais ce n’est certainement pas en prolongeant l’agonie des produits du passé ou de la dérive mondialisante qu’il sera possible de leur redonner des salaires et de l’espoir.

Ce serait le moment idéal, rêvons un peu, pour mettre en oeuvre la transition écologique : fabriquer des transports collectifs, des bus, des rames de métros, des wagons de chemin de fer ou de tramway à la place des bagnoles appelées un jour à disparaître. Reconvertir, cesser de pleurer sur des vieilles lunes et de vieux schémas, est-ce trop demander aux chantres d’un Redressement qui serait enfin productif ? Cela permettrait de sauver (d’inventer) de vrais emplois qualifiés au lieu d’envoyer les salariés pourrir dans des stages aussi languissants qu’inutiles ou de mettre en place à Aulnay un centre d’appel ou une « plateforme logistique » qui ne seront que de provisoires placebo.

Est- trop demander que d’envisager de vendre des poulets moins dégueulasses en cessant de subventionner ce qu’il faut bien appeler de la merde ? Cela permettrait de sauvegarder la santé des consommateurs, de moins polluer la Bretagne sans licencier un seul salarié, sans mettre en faillite un seul agriculteur et en redonnant aux uns et aux autres, la dignité qu’ils méritent.

Peut-être faut-il de temps à autre être politiquement incorrect ; non pas en passant la disparition des emplois par pertes et ### profits (pour Doux et Peugeot), mais en commençant à imaginer et à mettre en place des produits plus utiles et plus durables. Et en cessant de subventionner, directement ou indirectement, les errements des industriels pour qu’ils persévèrent dans leurs erreurs.

Il ne peut plus être question de prolonger des productions à l’agonie, il faut désormais les changer.

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