Être prête pour le premier jour

Lana*, professeur d’anglais de 25 ans, relate sa première rentrée en tant que titulaire dans un collège de REP + en Seine-Saint-Denis.

Lana  • 5 septembre 2016
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Être prête pour le premier jour
Photo : JEFF PACHOUD / AFP.

Samedi et dimanche 3 et 4 septembre

Le stress de la veille… Cet après-midi, je suis allée voir un ballet, La belle au bois dormant, à l’Opéra Bastille… Après le spectacle, la pression est revenue d’un coup. Mon cerveau s’était complètement déconnecté. Et j’ai commencé à me sentir mal. Je vis en colocation et j’en ai assez. Je n’aime plus trop rentrer chez moi. Je me suis réfugiée chez un ami qui est allé, grand chevalier, me chercher mes affaires et je vais rester chez lui ce soir. Soit j’essaie de me détendre en regardant un film avec lui. Soit je travaille, ce qui est un bon moyen de lutter contre le stress. Je peaufine tous mes cours pour demain. Puis tous mes autres cours de la semaine. Je peux aussi vérifier le socle commun de compétences pour établir une liste de compétences pour les 6ème sans notes. Mais cette liste n’est attendue que pour la semaine prochaine.

Il faut que tout soit carré pour demain. C’est surtout la première impression qui compte. Je vais mettre une robe bleu, mais bleu marine. Neutre. Sur ma fiche pour les cours de demain, j’ai écrit : « Demander si ». Par exemple : demander toutes les façons de dire bonjour. Même les 6ème ont déjà fait de l’anglais en élémentaire. Ce ne sera que des révisions. Pour voir où ils en sont. Je vais leur demander aussi s’ils savent pourquoi ils sont là. Il faudrait que mes consignes deviennent des vraies répliques. Mais ça fait deux mois que je ne suis pas devant un public. Je risque de bafouiller. J’ai tendance à bafouiller. Donc je vais m’écrire des répliques exactes. Et refaire un minutage précis car il change un peu selon les classes. Et les 6ème sont lents, parait-il.

Je voudrais qu’on ait le temps de remplir les fiches en entier et de commencer le cours. Il n’y aura pas de renseignement administratif sur les fiches. Tous ceux-là sont accessibles sur l’intranet du collège. Je leur demande leurs goûts musicaux, les groupes, chanteurs et chanteuses qu’ils préfèrent. Ceci pour travailler une chanson qui aurait de l’intérêt pour tout le monde. Je leur demande aussi leurs séries, leurs films, leurs mangas, afin de faire des projets autour de ça. Je leur demande aussi s’ils aiment l’anglais. Et s’ils ont quelque chose à me dire de personnel qu’ils ne veulent pas partager.

Les fiches devraient prendre dans les 20 minutes. Ensuite, nous vérifierons les emplois du temps et les mots qu’ils connaissent en anglais. Y compris si ce sont des gros mots ! Je leur dirai : « Ça, c’est une insulte… » Ils regardent peu de films en VO, plutôt des vidéos sur Internet. Comme « thug life ». Vidéos très courtes où des personnes se font des coups pendables.

Pour les quatrièmes, je voudrais reprendre très doucement, pour ne pas qu’ils paniquent : les couleurs, chiffres, jours de la semaine, mois… Je voudrais qu’ils puissent se dire : ah oui, l’anglais, c’est plutôt facile. Et après, on augmentera les difficultés. Le premier cours ne sera qu’à l’oral. C’est particulier le premier cours, on se teste tous mutuellement. J’aimerais établir les règles de vie dans la classe. Comment se comporter en classe ? En anglais ? Ils diront : ne pas bavarder, ne pas mâcher de chewing-gum. Plutôt que d’aligner des interdits, je voudrais leur répondre des choses telles que : ce serait bien de participer, si vous continuez vous allez devenir bilingues…

J’ai un drôle d’emploi du temps : lundi, énorme journée, mardi, je ne travaille que l’après-midi. Mercredi, jeudi, et vendredi c’est le contraire : plutôt le matin… Cette nuit, je risque de peu dormir.

*Le prénom a été modifié

Lire épisode 4 >> La discipline : ma grande question l’année dernière…

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