Les leçons de Nairobi

Patrick Piro  • 24 janvier 2007 abonné·es

« Gardons-nous de juger trop sévèrement le forum de Nairobi, et, notamment, à l’aune de ses prédécesseurs » , met en garde Bernard Pinaud, délégué général du Crid. Dans la courte histoire des forums sociaux mondiaux, l’étape de Nairobi était la plus incertaine et la plus attendue. « Le fait qu’il ait pu se tenir, et dans des conditions techniques tout à fait correctes malgré quelques ratages initiaux, est remarquable. »

La Brésilienne Moema Miranda, de l’institut Ibase, l’un des piliers de l’organisation des FSM de Porto Alegre, rappelle que les conditions dans cette ville étaient idéales : appui des autorités locales et tradition de collaboration entre mouvements sociaux et des ONG.

Le comité d’organisation kényan a probablement commis l’erreur de confier l’essentiel des tâches et des décisions à quelques ONG comme la Sodnet et le Seatini. Le manque d’inclusion des mouvements sociaux locaux dans la préparation et la mobilisation reflète la parcellisation de la société civile locale. Les syndicats, en particulier, ont été très discrets. « L’âpreté économique induit souvent le chacun pour soi, et d’abord dans la recherche de financements » , relève une observatrice kenyane.

Au rang des satisfactions indéniables, la participation très volontaire de nombreuses organisations du continent noir. LesCongolais ont, par exemple, annoncé le lancement d’un forum social en RDC, et le développement de réseaux transnationaux africains semble désormais à portée.

La sempiternelle vigilance face à la présence des partis s’est pour une fois montrée sans objet : la vie politique kenyane est largement déconnectée des mouvements sociaux. Reste la question centrale du financement : elle a imposé comme jamais depuis 2001 ses conditions aux organisateurs, soucieux d’apparaître en maîtres de la manifestation. Traductions limitées, exclusion de fait de nombreux Africains sans ressources, etc. : les leçons de Nairobi devraient inciter le Conseil international du FSM à réfléchir désormais à des mécanismes de financement pérennes.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Droit international : quand règne la loi du plus fort
Monde 9 juillet 2025 abonné·es

Droit international : quand règne la loi du plus fort

Les principes du droit international restent inscrits dans les traités et les discours. Mais partout dans le monde, ils s’amenuisent face aux logiques de puissance, d’occupation et d’abandon.
Par Maxime Sirvins
Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face

Depuis les traités de Westphalie, le droit international s’est construit comme un champ en apparence neutre et universel. Pourtant, son histoire est marquée par des dynamiques de pouvoir, d’exclusion et d’instrumentalisation politique. Derrière le vernis juridique, le droit international a trop souvent servi les intérêts des puissants.
Par Pierre Jacquemain
La déroute du droit international
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

La déroute du droit international

L’ensemble des normes et des règles qui régissent les relations entre les pays constitue un important référent pour les peuples. Mais cela n’a jamais été la garantie d’une justice irréprochable, ni autre chose qu’un rapport de force, à l’image du virage tyrannique des États-Unis.
Par Denis Sieffert
Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »
Entretien 2 juillet 2025 abonné·es

Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »

L’intellectuel syrien est une figure de l’opposition au régime des Assad. Il a passé seize ans en prison sous Hafez Al-Assad et a pris part à la révolution en 2011. Il dresse un portrait sans concession des nouveaux hommes forts du gouvernement syrien et esquisse des pistes pour la Syrie de demain.
Par Hugo Lautissier