Zéro en calcul

Thierry Jaccaud  • 24 janvier 2007 abonné·es

«Tout à coup, l’humanité comprend que c’est sa survie qui est en jeu, qu’un suicide collectif est en marche. » Alain Juppé a-t-il eu une révélation ? On pourrait le croire. Le réchauffement climatique ? « Le défi majeur » , estime-t-il dans une tribune du Figaro le 16 janvier. Le rythme de la déforestation ? « Effrayant. » La consommation ? Si tout le monde imitait les pays industrialisés, « plusieurs planètes n’y suffiraient pas » . Le nombre d’espèces qui disparaissent chaque année ? « Stupéfiant. » Enfin, « l’augmentation exponentielle de la population humaine depuis le XIXe siècle est l’une des causes principales des déséquilibres de tous ordres qui fragilisent la vie sur terre ». Diantre ! René Dumont s’est-il réincarné ?

On en saura un peu plus les 2 et 3 février à Paris, à l’occasion d’une Conférence internationale sur l’environnement organisée à l’initiative de Jacques Chirac et dont le comité d’honneur est présidé par Alain Juppé. L’objectif est d’appeler à la création d’une « Organisation des Nations unies pour l’environnement ». Personne n’y avait donc encore songé, alors que, depuis quarante ans, les hauts décideurs font de mirifiques déclarations sur la protection de l’environnement ? Mais si ! La recette de Clemenceau ­ si vous voulez enterrer un problème, créez une commission ­ a déjà été appliquée : c’était en 1972, la Conférence de Stockholm avait accouché du Programme des Nations unies pour l’environnement. Le problème persiste ? Recommençons, avec une nouvelle structure, bien sûr beaucoup plus ambitieuse. Dont la naissance prendra bien cinq ou dix ans, c’est toujours ça de gagné. Car il ne faudrait pas compromettre les affaires. Après ses envolées, Juppé précise : « Le but n’est pas de produire moins, de consommer moins, de se déplacer moins. […] Ce n’est pas la décroissance qu’il nous faut organiser, mais une autre forme de croissance, […] une croissance écologique. » Désespérant. Mais enfin, M. Juppé, puisque « plusieurs planètes ne suffiraient pas » si chaque terrien avait notre mode de consommation, la décroissance du PIB des pays industrialisés est une évidence ! Devant l’addition 2 + 2, vous répondez 5. Essayez encore. Demandez donc conseil aux six membres du comité d’honneur de la conférence que vous présidez : Nicolas Hulot, Edgar Morin… Tiens, voilà Bertrand Collomb ! Que fait donc dans cet aréopage le roi du béton, le président de la multinationale Lafarge ? Ce PDG, auquel vous semblez si attaché, de votre erreur de raisonnement est peut-être la cause. La nature ou le béton, il faut choisir.

Écologie
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