Ségolène Royal (trop) consensuelle

Au lendemain du discours-programme de Villepinte, nous avons demandé à Pierre Larrouturou, à Éric Fassin et à Joo Zimmermann de passer au crible les propositions de la candidate. Leur jugement est nuancé.

Michel Soudais  • 15 février 2007 abonné·es
Ségolène Royal (trop) consensuelle

La campagne est désormais ouverte. Le parti socialiste et ses alliés chevénementistes et radicaux n’avaient qu’une candidate. Dans un discours fleuve de près de deux heures, Ségolène Royal leur a présenté, dimanche, le « pacte présidentiel » qu’elle souhaite contracter avec les Français. Un « pacte d’honneur et de confiance » de cent propositions ordonnées en neuf chapitres aux titres prometteurs. Elle serait ainsi « la présidente de la confiance retrouvée » , « la présidente du pouvoir d’achat garanti » , « du travail pour tous » , « de la réussite éducative et culturelle » , « de la Sécurité sociale » , « de la lutte contre toutes les formes de violence » , « de l’excellence environnementale » , « d’une République nouvelle » , « d’une France forte en Europe et active pour la paix dans le monde » .

À Villepinte (Seine-Saint-Denis), Ségolène Royal s’est faite l’interprète de « la colère » des Français, un mot employé plusieurs fois. Et a surtout multiplié les engagements au point que la droite, qui l’accusait de ne rien proposer, lui reproche désormais de délivrer « un catalogue » . Au nombre des promesses se trouvent une série de mesures sociales à mettre en oeuvre « le plus tôt possible », dont une hausse du Smic à 1 500 euros (1 250 aujourd’hui) ou l’augmentation de 5 % des « petites retraites » . La candidate a aussi insisté sur des priorités, qui n’ont pas toujours été les siennes, comme le logement, l’éducation, « la sécurité sociale professionnelle » . Les 10 000 à 15 000 militants présents ont apprécié cette tonalité sociale. Ils ont interrompu, à de nombreuses reprises, parfois longuement, la candidate de leurs applaudissements et encouragements. Tandis que l’ensemble des dirigeants socialistes, présents aux premiers rangs, hormis Lionel Jospin, acquiesçaient unanimement.

Illustration - Ségolène Royal (trop) consensuelle


AFP

Des interrogations néanmoins demeurent. « Son programme sera socialiste » , nous annonçaient quelques-uns de ses lieutenants. Dimanche, Ségolène Royal n’a pas même prononcé le mot. En revanche, elle n’a rien concédé de ses positions iconoclastes, qui prennent à rebrousse-poil l’idéologie socialiste traditionnelle ­ encadrement militaire des jeunes délinquants, révision de la carte scolaire, jurys citoyens ­ et pousse même encore plus loin sa dénonciation de « la lourdeur de l’État central » et de « ses bureaucraties » . Afin de « donner un coup de jeune à cet État colbertiste, jacobin » , sa « nouvelle étape de la régionalisation » prévoit de confier aux régions les bâtiments et résidences universitaires, l’entretien des prisons et le pilotage des aides économiques et de la formation professionnelle.</>

Elle s’est aussi montrée prudente en évitant d’évoquer dans son discours des propositions très critiquées à droite et qui figurent pourtant dans son « pacte présidentiel ». C’est le cas des 35 heures, dont la « consolidation » fera l’objet d’une négociation collective, de l’instauration du droit de vote pour les étrangers aux élections locales ou de l’égalité des droits pour les couples de même sexe. Évasive encore sur la fiscalité : « Elle n’a pas dit qu’elle baisserait [les prélèvements obligatoires] *, ni qu’elle les augmenterait »* , note joliment Jean-Pierre Chevènement dans un entretien à Metro (13 février).

Si elle s’inquiète des conditions de travail, elle veut « réconcilier les Français avec l’entreprise » , et pour cela rapprocher l’école et l’entreprise dès le collège. Favorable au droit opposable au logement, elle y met pour condition « que l’amélioration de la situation des plus démunis ne produise pas l’aggravation de la situation de ceux qui paient leur loyer » . Les trois « experts » à qui nous avons demandé de commenter quelques-unes de ses mesures phares dans les pages suivantes convergent sur ce point : à vouloir contenter des publics trop différents, Ségolène Royal s’expose à ne servir qu’un discours tiède.

Politique
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