Olivier Besancenot : « L’indépendance peut être payante »

Candidat pour la seconde fois à l’élection présidentielle, le porte-parole de la LCR expose ses objectifs et ses thèmes de campagne. Et rejette le principe d’une alliance avec le PS.

Michel Soudais  • 29 mars 2007 abonné·es

Votre slogan, « Nos vies valent plus que leurs profits », est le même qu’en 2002. Est-ce à dire que rien n’a changé ?

Beaucoup de choses ont changé, mais comme on n’a pas cherché à faire autre chose politiquement que ce que préconisent le FMI, l’OMC ou la Commission de Bruxelles, il faut bien constater que la mondialisation, dont je parlais déjà beaucoup en 2002, se retrouve un peu plus dans nos vies quotidiennes, avec les quartiers populaires transformés en ghettos, l’environnement saccagé pour les riches industries du Nord, etc. Donc, cinq ans après, nos vies valent toujours plus que leurs profits.

Entre ces deux élections, le référendum sur le traité constitutionnel européen a montré qu’il existe une majorité pour rejeter le libéralisme et que la gauche y a une part prépondérante. Ne regrettez-vous pas l’absence d’entente pour transformer l’essai ?

Comme tout le monde, je ressens la frustration d’un rendez-vous électoral loupé après l’espoir de la campagne du « non » de gauche. Au sein de la gauche antilibérale, nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord sur le type de rapport qu’il fallait avoir avec le PS. Moi, je revendique une indépendance à 100 % ; ce n’est pas le cas de tout le monde. Cela ne veut pas dire pour autant qu’on repart de zéro. Nous sommes condamnés à discuter ensemble, même de façon publique entre candidats ­ Arlette Laguiller, José Bové ou Marie-George Buffet ­, sans parler de tous les anonymes qu’il y a derrière. Le projet politique de la LCR reste de rassembler sans sectarisme toutes les forces anticapitalistes à la gauche de cette ex-gauche plurielle. Mais nous voulons un rassemblement qui dure et ne pète pas à la première échéance concrète. Plutôt que de jouer les chauds au moment des élections en criant « unité » pour mieux rallier ensuite la politique du PS, nous avons préféré passer notre tour.

Contrairement à ce que vous annoncez comme inéluctable, Marie-George Buffet a encore dit ce week-end qu’il n’était pas question que le PC participe à un gouvernement socialiste.

Je ne me fie pas à l’air du temps. Je préfère la persévérance. De toute façon, la direction du PC compte 11 000 élus qui dépendent en grande partie d’accords parlementaires et municipaux avec le PS. Marie-George Buffet, depuis le début, a expliqué qu’il n’y avait pas deux gauches, mais une seule que l’on pouvait rassembler. Nous avons eu cette divergence publique qui n’est pas en soi un problème. Même José Bové a expliqué, il y a quelques mois, que si Laurent Fabius était le candidat désigné du PS, il n’était pas forcément opportun d’avoir une candidature commune. Moi, j’essaie de faire la démonstration que l’indépendance vis-à-vis du PS peut être payante, y compris pour peser sur le choix des électeurs et des militants socialistes.

Quels sont les grands axes de votre campagne ?

Le thème principal est celui de la répartition des richesses. Je veux montrer que la France ne s’appauvrit pas, contrairement à ce qu’on nous raconte. Il n’y a jamais eu autant de richesses, et la redistribution n’a jamais été aussi inégalitaire. Il existe des moyens pour augmenter les revenus de 300 euros nets par mois, développer le service public ­ y compris dans de nouveaux domaines, comme l’eau, la petite enfance ou le 4e âge ­, sauvegarder le système de retraite ou interdire les licenciements. Nous voulons mettre l’accent sur la question du financement et de l’application possible de mesures qui pourraient changer la vie quotidienne de millions de personnes. Le PS reproche souvent à la gauche antilibérale de n’être que dans le témoignage ; avec nos propositions, nous montrons non seulement que ce n’est pas vrai, mais que nous attendons justement le PS sur ces débats-là.

Votre campagne n’est-elle pas exclusivement revendicative, presque de type syndical ?

Si ce n’était qu’une campagne de type syndical, je ne parlerais pas à la fois de la répartition des richesses ­ qui les produit, comment on peut les répartir et les contrôler ­ et de la question gouvernementale, que nous ne posons pas de la même manière que d’autres. Il s’agit bien d’un discours politique global qui touche au projet de société qu’on veut construire. La politique que je préconise ­ l’augmentation de 300 euros de tous les salaires, l’interdiction des licenciements, le développement du service public, la réquisition des logements vides ­, j’ai envie de la voir appliquer. Je veux qu’elle gouverne, notamment dans le cadre d’une politique anticapitaliste unitaire, avec un rapport de force social exceptionnel. Mais ce n’est pas le programme du PS. Et, à la différence d’autres candidats, je pense que participer ou soutenir un gouvernement socialiste nous conduirait à coup sûr à faire le contraire de ce que nous défendons le restant de l’année.

Pour que cette politique ait un jour une chance d’être mise en oeuvre, il faut avoir des élus à différents échelons. Comment comptez-vous en obtenir ?

En nous battant avec tous ceux qui ont mené la bataille du « non » de gauche au traité constitutionnel européen, notamment pour imposer la proportionnelle intégrale. Ce mode de scrutin permettrait à chaque courant d’être représenté sur la base de ce qu’il pèse et d’avoir des élus révolutionnaires sur les bancs de l’Assemblée nationale. Avoir des élus dans les conseils régionaux, quand il y avait un minimum de proportionnelle, nous a permis d’obtenir des choses, notamment dans le cadre des institutions. En Midi-Pyrénées, par exemple, nous avons réussi, avec le mouvement des chômeurs, à arracher la gratuité des transports pour les chômeurs et précaires. Alors que le PC et la LCR ont un poids électoral à peu près équivalent, le PC a des élus sur les bancs de l’Assemblée, et nous, non, parce que nous n’avons pas le même type de rapport avec le PS. En l’absence de proportionnelle, le système pousse à passer non pas des alliances mais des accords avec le PS, accords qui vous placent ensuite sous son contrôle. Nous, nous essayons de faire entendre un électorat de la gauche radicale qui n’est pas contrôlé et pas contrôlable par la direction de ce parti.

Entendra-t-on bientôt « la Marseillaise » à la fin de vos meetings ?

Non ! Nous continuerons à chanter « l’Internationale ». Sur ce point, je souhaite que la gauche antilibérale demande au PS de retrouver la raison et d’arrêter de courir après Sarkozy, qui court lui-même après Le Pen… Le problème n’est pas d’apprendre « la Marseillaise », de se mettre au garde-à-vous et d’avoir un drapeau dans chaque foyer, mais que chaque foyer ait un emploi correctement rémunéré, un logement décent, du gaz et de l’électricité. En 2007, contrairement à 2002, les questions sociales sont beaucoup plus présentes. Cela rend d’autant plus frustrant le décalage entre ces questions sociales, qui sont dans la campagne, et une gauche institutionnelle qui court sur le terrain de la sécurité en permanence.

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