Substitution électorale ?

Olivier Doubre  • 5 avril 2007 abonné·es

Six pharmaciens, trois médecins et trois personnes soupçonnées de se livrer à un trafic de Subutex®, le médicament de substitution à l’héroïne le plus délivré en France, ont été mis en examen samedi 31 mars pour « infraction à la législation sur les stupéfiants et sur les substances vénéneuses » et « escroquerie à la Sécurité sociale » . Les trois généralistes sont accusés d’avoir prescrit en masse ce produit à des trafiquants, qui utilisaient ensuite de fausses attestations de Couverture maladie universelle pour l’acquérir sans rien débourser chez des pharmaciens complices. L’Assurance-maladie estime son préjudice à 500 000 euros.

Autorisés en 1995 et aujourd’hui prescrits à environ 120 000 personnes, les traitements de substitution ont réduit les overdoses de 80 % et les contaminations par le virus du sida de plus de 60 %. La délinquance induite par les dépendances a également diminué significativement. Toutefois, comme pour d’autres médicaments, une partie des produits prescrits fait l’objet de trafic, en France ou vers des États étrangers où ces traitements ne sont pas disponibles (notamment certains pays de l’Est).

Contre ce trafic, Didier Jayle, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (MILDT), a, l’an dernier, demandé au gouvernement, en vain, le classement comme « stupéfiant » de ce médicament, provoquant une levée immédiate de boucliers chez les professionnels de santé du secteur. En effet, la réussite de ces traitements est due à leurs conditions assez souples de délivrance. La polémique pourrait donc rebondir. Joint par Politis , Didier Jayle dément toute volonté de redemander le classement comme stupéfiant du Subutex®, même s’il « reste persuadé que cela faciliterait le travail de la police et surtout de la Justice » . Il ajoute : « Le ministre a tranché, c’est du passé. » Présidente d’honneur de l’Association française de réduction des risques, Anne Coppel reste néanmoins prudente : « Il faut se féliciter du démantèlement de ce réseau. En revanche, je m’étonne de sa médiatisation. J’espère qu’elle ne cache pas une nouvelle tentative pour que le Subutex® soit classé parmi les stupéfiants. Cela ne ferait que réduire l’accès aux soins : avec les contrôles qu’elle implique pour eux, médecins et pharmaciens voudront de moins en moins s’occuper de substitution. »

Anne Coppel souligne aussi que « ces mises en examen montrent que la réglementation actuelle n’empêche en rien la police de travailler ». En effet.

Société
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