A droite de l’écran

Avant, pendant, après les élections : le traitement de l’information n’est pas un modèle d’impartialité.

Jean-Claude Renard  • 17 mai 2007 abonné·es

Il y a (au moins) un avantage à une élection présidentielle : elle exacerbe les caractères, elle souligne, sinon révèle, les positions. Surtout, elle a son poids de traitement. Passons sur le ralliement des people à Sarkozy (qui sentent franchement le vinyle), joliment soignés sur TF 1. Passons sur les faveurs d’Elkabbach, patron d’Europe 1, pour le maire de Neuilly (au reste, ce n’est pas un hasard si, bousculant la croisière s’amuse, Sarko accorde une interview exclusive à cette station). Ici et là, ils sont depuis longtemps attachés à la cause.

En revanche, on peut s’étonner du traitement présidentiel de France 2. Lundi 7 mai, au journal de 20 heures, la chaîne diffusait des images volées, fixant derrière une fenêtre une réunion privée entre Ségolène Royal et François Hollande. On n’entend pas ce qui se dit (France 2 devrait confier le décryptage aux spécialistes qui lisent sur les lèvres, comme on l’a vu pour Materazzi s’adressant à Zidane), si c’est d’ordre politique ou privé, mais Ségolène Royal semble déterminée dans son verbe. En tout cas, la chaîne s’est montrée là putassière, paparazzi pitoyable. Peu importe que ce soient ses journalistes ou qu’elle ait acheté les images. Le choix de les diffuser reste consternant.

À vrai dire, dans cette présidentielle, ce n’était pas un coup d’essai. Le 22 avril, au soir du premier tour, à la manière de Chirac triomphant en 1995, elle diffusait les images d’un Sarkozy en voiture, interviewé en direct, et saluant, à l’antenne, Élise Lucet et David Pujadas. Ça paraissait incongru ce « bien le bonjour à… ». Et pas très professionnel, journalistiquement, de mettre en scène ces images quand on n’est jamais qu’au premier tour. Passons encore sur le caractère du direct qui empruntait plus au spectaculaire, au show-biz, qu’à la politique (au diapason du fonctionnement de Sarkozy).

Ce dimanche 6 mai, à l’occasion du second tour, les mêmes Pujadas et Lucet ne cachaient pas leur gaieté dès 19heures. Cela promet pour l’info sur France 2 si Béatrice Schönberg, épouse de Borloo, revient à l’antenne… Face à un service public au service de l’UMP (Arlette Chabot, chef du service politique, se place toujours du côté du manche), PPDA donne des impressions de monde à l’envers sur TF 1~: pas de sourire, mais une évidente sobriété (cela dit, résolument séducteur, il s’était montré très amical envers Ségolène dans ses interviews).

Dans ce paysage uniforme ou surprenant, on a vu cependant Pascale Clark («~En aparté~», Canal plus, de 12 h 40 à 13 h 50, en semaine) ne ménageant guère l’UMP, faisant même la part belle à Olivier Besancenot. Sur la même chaîne, chaque jour, «~les Guignols~» et «~Groland~» (le samedi à 20 h 25) de Jules-Édouard Moustic, sans avoir à s’exprimer pour Ségolène Royal, se sont montrés ouvertement anti-Sarko.

Mais il est un bref moment de télé qui propose mieux encore un décryptage de l’information ­ et contient en lui-même sa position~: le zapping de Canal plu [^2]. Un pêle-mêle express de toutes les chaînes, qui, selon son montage (à la manière d’un plan de coupe dans un débat retransmis à la télé), se fait porte-parole d’un discours, d’une pensée. Après avoir épinglé, souligné des mois durant les contradictions, les manipulations de Sarkozy, cette dernière semaine le zapping alignait en quelques secondes le probable retour de Johnny, «~un petit séjour en bateau avant de travailler~», d’après Jean-Pierre Pernaut, les frais de cette équipée maltaise, une famille en Falcon, les actions Bolloré en hausse… Lecture implacable de l’information. Il faut croire qu’il y a 18 983 408 électeurs qui ne regardent pas le zapping.

[^2]: En semaine, à 12 h 58 et à 19 h 42, le dimanche vers 14 h 20.

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