Bon vent!

Michel Soudais  • 19 juin 2007
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Après Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, deux nouveaux membres du PS entrent au gouvernement: Jean-Marie Bockel et Fadela Amara.

Depuis le temps que le sénateur-maire PS de Mulhouse admirait Tony Blair et proclamait que «le libéralisme fait partie des fondements du socialisme» , sa nomination comme secrétaire d’Etat à la Coopération et à la francophonie dans le gouvernement Fillon 2 est l’aboutissement d’un parcours. D’une dérive devrait-on dire, tant il devient patent que le libéralisme autoritaire est la destinée du social-libéralisme, qu’il revendiquait dans une motion au congrès du Mans (0,64%).

Il est beau «le socialisme du temps présent»

Les «indignations» des députés socialistes, dont Jean-Marc Ayrault s’est fait l’écho, font doucement rigoler. N’avaient-ils donc ni lu les textes doctrinaux de leur collègue, ni entendu ses prises de position? En 2005, il s’était désolidarisé du groupe socialiste du Sénat, en ne signant pas la saisine du Conseil constitutionnel sur le projet de loi antiterroriste de Nicolas Sarkozy. A la fin de l’année dernière, il avait exprimé son désaccord avec le projet socialiste pour l’élection présidentielle (pourtant timide), y voyant des «concessions» faites à la gauche du PS.

Mais Jean-Marie Bockel, qui avait pris ses distances avec les combats de la gauche, pouvait encore passer pour un socialiste bon teint. N’avait-il pas soutenu la candidature de Dominique Strauss-Kahn? Ne s’était-il pas chaudement félicité de la désignation de Ségolène Royal, interprétant le «plébiscite» des militants comme «le choix d’une gauche réformiste en prise sur le monde d’aujourd’hui» ? Après le premier tour de la présidentielle, il était un de ceux qui avait applaudi hardemment aux contacts entre Ségolène Royal et François Bayrou, balayant les objections à ce rapprochement avec le centre d’un ton méprisant: «L’électorat de la gauche de la gauche n’a de toute façon pas le choix.» Le 13 mai, il appelait encore Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn à unir leurs forces pour définir «un socialisme du temps présent» , dans le Journal du Dimanche [[ «Pendant que nous passions nos longues années d’opposition à des affrontement stériles de clans et de personnes, récitant des dogmes et maniant les solutions du passé, les travaillistes gouvernaient et changeaient la société. Ils réconciliaient l’efficacité économique et le progrès social» , écrivait-il dans cette tribune.
Selon lui, «les nombreux électeurs de gauche qui se sont portés sur François Bayrou, voire sur Nicolas Sarkozy, ne disent rien d’autre: nous voulons un socialisme du temps présent, attentif à la production des richesses, réformateur et pragmatique» .
«Il y a urgence à laisser souffler un peu de blairisme en nous» , poursuivait le maire de Mulhouse qui concluait: «A Ségolène, à Dominique, à tous ceux qui portent la gauche nouvelle, j’ai envie de dire: lâchez-vous, allez au bout de vos audaces, unissez-vous et travaillons ensemble.» ]]. On voit aujourd’hui quel sens peuvent avoir ces belles formules…

La nomination de Jean-Marie Bockel fait au moins le bonheur des Verts avec l’arrivée au Sénat du Vert Jacques Muller, suppléant du sénateur-maire de Mulhouse. «L’écologie, dans une période où le gouvernement joue à semer le trouble, sera encore mieux défendue au Sénat par un élu Vert qui a notamment bataillé fortement contre les OGM» , s’est réjouie Cécile Duflot, leur secrétaire nationale. C’est toujours ça de gagné!

«Un choix de carrière»

Moins connue comme socialiste que fondatrice du mouvement «Ni putes, ni soumises», Fadela Amara, la nouvelle secrétaire d’Etat à la politique de la Ville auprès de Christine Boutin (c’est y pas beau ce rapprochement?) éclaire d’une lumière crue la nature de l’association qu’elle a créée. Que SOS Racisme a salué sa nomination et ne doute pas qu’elle «mette son expérience au profit d’un chantier que la Républqiue a trop longtemps négligé: celui de la lutte contre les logiques de ghettoïsation et les discriminations multiples qui frappent les habitants des quartiers dits difficiles» , n’a rien d’étonnant. Avant de créer NPNS, Fadela Amara était une des permanentes de cette association.

Ailleurs c’est plutôt le doute et la suspicion: pour Mimouna Hadjam, porte-parole de l’association Africa 93, fondée en 1987 à la cité des 4.000, cette nomination «s’apparente à un choix de carrière plus que de conviction politique» . Sur le même registre, Clémentine Autain accuse Fadela Amara d’avoir «beaucoup d’appétit» et «bien peu de convictions» . L’adjointe au maire de Paris (app. PCF) et militante féministe estime «pour le moins troublant l’alliage entre une militante qui se dit féministe et une tenante de l’ordre moral, hostile à l’avortement» . Mais il est vrai qu’en tant que présidente de NPNS, elle a toujours veillé à avoir de bonnes relations à droite comme à gauche et un bon contact avec Cecilia Sarkozy.

Promue par Julien Dray, Fadela Amara est aussi conseillère municipale (PS) de Clermont-Ferrand, la ville où elle est née en 1964. Une charge qu’on lui connaît peu. Ce qui n’est pas surprenant : Fadela Amara n’a «jamais assisté à une seule séance du conseil municipal» , assure Alain Laffont (LCR). Cet absentéisme ne l’a nullement empêché néanmoins de percevoir l’indemnité (modeste) attachée à cette fonction au titre des frais qu’elle entraîne pour les élus qui la remplissent. Bel exemple de moralité publique!

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