Les pièges de la concurrence

Les pouvoirs publics gardent le silence sur les conséquences de l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz pour les particuliers. Pourtant, de nombreux écueils sont à éviter.

Thierry Brun  • 28 juin 2007 abonné·es

La déréglementation totale des marchés de l’électricité et du gaz se conjugue avec l’inertie des pouvoirs publics et une opacité sur la fin du monopole d’EDF et de GDF. Le gouvernement n’a rien prévu pour informer les consommateurs sur les conséquences des choix qu’ils pourraient faire
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. Il a même contribué à créer un cadre juridique qui leur est peu favorable.

Le maquis des tarifs

Les organisations de consommateurs, syndicales ou familiales, sont unanimes : le nouveau système de tarification né de la déréglementation ­ les fameux tarifs libres ­ est un piège. En effet, à partir du 1er juillet 2007, le consommateur pourra s’approvisionner en gaz et en électricité chez d’autres fournisseurs que chez les fournisseurs « historiques » : Électricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF). Mais avec un choix réduit à deux possibilités tarifaires. La première possibilité consiste à conserver ses contrats en cours avec EDF et GDF, et à continuer à bénéficier des tarifs réglementés. Ce que conseillent les organisations de consommateurs et syndicales, qui ajoutent que ces tarifs sont les seuls à garantir stabilité et sécurité.

L’autre possibilité, c’est de quitter les tarifs réglementés et de choisir une offre au prix de marché. Ces offres, dont les prix évoluent librement, seront proposées par tous les fournisseurs d’énergie « alternatifs » et « historiques ». EDF et GDF seront les seuls à pouvoir présenter des tarifs réglementés et libres, ce qui complique la compréhension des offres. Il faut s’attendre à ce que nombre de consommateurs clients d’un fournisseur historique découvrent que leur contrat comporte une discrète clause les jetant dans le maquis des prix libres. « Les risques d’augmentations violentes des prix sur le marché libre sont bien réels. Les tarifs réglementés resteront ainsi inférieurs, voire très inférieurs pour l’électricité, aux prix de marché. » , alerte l’UFC-Que choisir.</>

Une mise en concurrence… pour un coût plus élevé

Les fournisseurs privés et publics proposent d’ores et déjà des offres très concurrentielles, accompagnées de témoignages et d’arguments massues. Les fournisseurs alternatifs, par exemple Poweo, Direct Énergie, Altergaz et Electrabel, annoncent des prix très attractifs. Mais aucun de ces fournisseurs ne précise que l’offre oblige les particuliers à abandonner leurs tarifs réglementés. Or, « les consommateurs qui quitteront les tarifs réglementés pourraient voir, comme pour les entreprises, leur facture grimper de 65 %, soit une dépense annuelle supplémentaire de 1 222 euros pour un ménage de 4 personnes qui éclaire et chauffe son logement à l’électricité » , prévient l’UFC-Que Choisir. Les parlementaires ont fait le constat suivant : « On sait que le niveau des tarifs réglementés de l’électricité est très sensiblement inférieur à celui des prix de marché. […] Contracter au prix de marché […] augmenterait ainsi le coût de leur fourniture d’environ 60 %. » En ce qui concerne les entreprises, la hausse explosive des prix a entraîné le vote d’un dispositif de retour transitoire aux prix réglementés.

Pas de retour en arrière

Les nouvelles règles du jeu obligeront les consommateurs à faire face à l’augmentation de prix. En effet, la loi leur interdit de revenir aux tarifs réglementés, et les offres de marché ne garantissent aucune stabilité du prix à plus ou moins long terme ! Le fournisseur d’énergie auprès duquel le consommateur souscrira son contrat est tenu de faire mention de cette irréversibilité, mais il peut le faire en termes peu clairs. Le cas de l’offre « couplée », duale ou biénergie, auprès d’EDF ou GDF, avec une simplification des factures à la clé, constitue un piège redoutable : elle peut mener le consommateur directement vers les tarifs libres sans qu’il s’en aperçoive. Et, dans certains cas, le consommateur peut même être contraint de souscrire à une offre au tarif libre. Dès que l’occupant d’un logement, qu’il soit propriétaire ou locataire, souscrit une offre sur le marché libre, ce logement ne pourra plus jamais bénéficier des tarifs réglementés. Pour le gaz, si l’on emménage dans un logement neuf ou bien si l’on demande un nouveau raccordement au gaz dans son logement, on n’aura pas le choix : on devra souscrire une offre au prix du marché.

Un cadre juridique infernal

Le gouvernement de Dominique de Villepin a transposé dans leur intégralité les directives européennes fixant le cadre juridique de l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz (n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie). La même loi du 7 décembre a aussi privatisé GDF.

L’arsenal législatif adopté et modifié par d’autres lois est d’une grande complexité et permet « l’extinction progressive des tarifs réglementés » , soulignent les juristes de l’UFC-Que choisir. Le cas des logements neufs est emblématique de ce dispositif. Un amendement adopté en février dans le cadre de la loi sur le droit opposable au logement « a modifié les conditions d’accès aux tarifs réglementés de l’électricité pour les consommateurs qui emménageront dans un logement neuf après le 1er juillet » . Ceux-ci pourront souscrire des contrats aux tarifs réglementés chez EDF… jusqu’au 1er juillet 2010.

Dans le cas du gaz, cette loi les oblige à souscrire une offre au tarif libre dès qu’ils emménagent dans un logement neuf. Attention aussi au contenu des contrats de fourniture d’énergie, qui peuvent avoir différents statuts et comporter des clauses. Ce qui signifie que les fournisseurs peuvent revoir les tarifs et les clauses des contrats. Pour le particulier, le délai de rétractation a été réduit à sept jours.

[^2]: Le site gouvernemental () ne donne que des informations et conseils superficiels.

Écologie
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