De bons islamistes

Le triomphe électoral de l’AKP rassure paradoxalement la communauté internationale.

Alain Lormon  • 26 juillet 2007 abonné·es

Les élections législatives turques se sont soldées, dimanche, par une victoire massive du Parti de la justice et du développement (AKP), le parti islamiste du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Celui-ci recueille 46,6 % des voix (une progression de 13 % par rapport à 2002), et remporte 341 sièges sur 550 au Parlement. Le corollaire de ce très net succès est la cuisante défaite du Parti républicain du peuple (CHP), le parti laïque fondé par Mustafa Kemal, qui n’a obtenu que 20,85 % des voix.

Ce résultat fait suite à une période de graves tensions. Au printemps, le candidat de l’AKP à la présidence de la République, Abdullah Gül, avait dû se retirer à la suite de manifestations de rue dénonçant le risque d’une islamisation de la société. La femme de M. Gül, parce qu’elle porte le voile comme la grande majorité des femmes turques, avait été au centre de la polémique. L’armée, traditionnellement proche du CHP, avait laissé poindre la menace d’une intervention.

Il semble que les Turcs aient finalement considéré que la menace d’un coup d’État était plus redoutable que la menace islamiste. La Turquie représente un cas intéressant dans le débat qui traverse aujourd’hui la plupart des pays musulmans entre un pôle islamiste plus ou moins modéré et un pôle laïque prêt à prendre le risque de la dictature militaire. Le regard de la communauté internationale est aussi très différent sur l’expérience turque. Le Président israélien, Shimon Peres, a immédiatement rappelé que l’AKP entretenait d’excellents rapports avec son pays. Les Occidentaux ont félicité comme un seul homme le vainqueur du jour. La Bourse a monté en flèche. Il est vrai que l’AKP est engagé dans la voie de réformes libérales qui toucheront la Sécurité sociale, la fiscalité et la décentralisation administrative. Des islamistes néolibéraux sont de bons islamistes. Quoi qu’il en soit, l’exemple turc pourrait aussi contribuer à banaliser un certain islamisme politique.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Droit international : quand règne la loi du plus fort
Monde 9 juillet 2025 abonné·es

Droit international : quand règne la loi du plus fort

Les principes du droit international restent inscrits dans les traités et les discours. Mais partout dans le monde, ils s’amenuisent face aux logiques de puissance, d’occupation et d’abandon.
Par Maxime Sirvins
Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face

Depuis les traités de Westphalie, le droit international s’est construit comme un champ en apparence neutre et universel. Pourtant, son histoire est marquée par des dynamiques de pouvoir, d’exclusion et d’instrumentalisation politique. Derrière le vernis juridique, le droit international a trop souvent servi les intérêts des puissants.
Par Pierre Jacquemain
La déroute du droit international
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

La déroute du droit international

L’ensemble des normes et des règles qui régissent les relations entre les pays constitue un important référent pour les peuples. Mais cela n’a jamais été la garantie d’une justice irréprochable, ni autre chose qu’un rapport de force, à l’image du virage tyrannique des États-Unis.
Par Denis Sieffert
Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »
Entretien 2 juillet 2025 abonné·es

Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »

L’intellectuel syrien est une figure de l’opposition au régime des Assad. Il a passé seize ans en prison sous Hafez Al-Assad et a pris part à la révolution en 2011. Il dresse un portrait sans concession des nouveaux hommes forts du gouvernement syrien et esquisse des pistes pour la Syrie de demain.
Par Hugo Lautissier