Vers une nouvelle force ?

Lancé fin juin, le club « Maintenant, à gauche ! » veut faciliter la
refondation d’une « gauche de transformation » à travers la définition
d’un projet et l’émergence d’une nouvelle force politique.

Michel Soudais  • 12 juillet 2007 abonné·es

Comment surmonter les échecs des élections
présidentielle et législatives ? Comment
desserrer l’étau du bipartisme ? Ces
questions qui agitent la galaxie de la gauche
antilibérale ont largement été débattues,
samedi, à Paris, lors d’une première rencontre-
débat de « Maintenant, à gauche ! »,
qui a rassemblé près de 150 personnes de
cultures militantes diverses (de la LCR
au PS), à l’exception toutefois de la mouvance
écolo. Ce tout nouveau club lancé
fin juin par une « équipe de foot » , comme
s’en amuse Christian Picquet, de onze
personnalités [[Outre l’animateur du courant Unir de la LCR, celle-ci
comprend : Clémentine Autain, adjointe (apparentée
PCF) au maire de Paris, Éric Coquerel, président du
Mars-Gauche républicaine, Emmanuelle Cosse, exprésidente
d’Act Up, Claude Debons, ex-coordinateur
des collectifs du 29 mai, François Labroille, conseiller
régional (Alternative citoyenne) d’Île-de-France, ainsi
que les « communistes unitaires » Roger Martelli et
Catherine Tricot, et les syndicalistes Claude Michel et
José Tovar. Site internet : www.maintenantagauche.org. ]] se veut tout à la fois un
espace, un carrefour et un chantier.

Ce
qui en fait un peu « un objet politique non identifié
»
, admet Claude Debons, tant il est
vrai que ce club ouvert à l’ensemble de
la gauche qui refuse le social-libéralisme
et ses perspectives d’alliances au centre
veut jouer un rôle de « facilitateur » dans le
vaste chantier de la reconstruction d’une
gauche de transformation.
Si l’objectif s’inscrit dans la continuité des
débats qui, de la campagne référendaire
de 2005 à l’échec de la présentation de
candidatures unitaires de la gauche antilibérale,
ont agité l’ensemble des composantes
de la gauche antilibérale ces deux
dernières années, « Maintenant, à gauche
! » ne veut pas recréer à l’identique
ce qui a échoué. L’espace antilibéral a
explosé. Il est aujourd’hui fragmenté, et
les divisions continuent de générer des
ressentiments peu propices à une reprise
du dialogue.

« À nouvelle période, ambitions
et méthodes nouvelles »
, affirment les initiateurs,
pour qui les antilibéraux doivent
faire face à une double rupture. Rupture
de la droite, qui a définitivement rompu
toutes les attaches avec l’héritage gaulliste
pour les sirènes de la contre-révolution
libérale et conservatrice. Rupture
aussi à gauche, où le centre de gravité
directionnel du PS penche de plus en plus
vers une formation de centre gauche.
Dès lors, « pour contrer la tendance au bipartisme
et le recentrage social-libéral de la gauche,
il ne suffira pas de construire une nouvelle petite
formation à gauche de la gauche »
, avertit
Claude Debons, convaincu que toute tentative
de recomposer la gauche antilibérale
autour d’une seule de ses composantes
ne « ferait qu’un pet de souris » . L’allusion
vise autant la LCR que la Coordination des
collectifs. L’organisation trotskiste, forte des
4,08 % obtenus par son candidat à la
présidentielle, envisage de créer un nouveau
parti sous sa houlette. Cette idée, avancée
par Olivier Besancenot au lendemain des
élections, a été approuvée par la direction
nationale de la Ligue, qui a décidé, le
1er juillet, à une large majorité (80 %) d’en
faire le principal sujet de débat du congrès
qu’elle tiendra en décembre. L’autonomisation
des Collectifs à l’égard des formations
politiques, consacrée lors de leur
réunion nationale des 23 et 24 juin par
l’adoption du principe « une personne,
une voix » (Politis n° 958), est « déjà l’ébauche
de structuration d’une force »
, critique Éric
Coquerel.

Cette approche « grand angle » , soulignée
par de nombreux intervenants qui refusent
de « s’enfermer dans une approche minoritaire
en marge de la gauche »
ou de construire la
« petite gauche » , fait l’originalité de «Maintenant,
à gauche ! », qui veut « s’adresser à
toute la gauche »
pour renouer avec l’arc
de forces qui avait permis le succès du
« non » lors du référendum. À une banale
recomposition, Claude Debons oppose
« l’objectif d’une refondation » qui doit tout
à la fois réélaborer un projet d’émancipation
individuelle et collective, et contribuer
à un processus de convergence qui
n’oublie pas les milliers de militants socialistes
que le recentrage de leur parti vers
un « libéralisme tempéré » laisserait au bord
de la route. L’objectif de cette démarche
étant « l’émergence d’une nouvelle force
politique »
, un peu à l’image de ce qui vient
de se concrétiser en Allemagne avec
Die Linke.

Si l’idée d’un Linke à la française est déjà
rejetée par la LCR – pour Alain Krivine,
« ce serait une régression, il s’agit d’un parti réformiste
de gauche »
–, certains socialistes l’envisagent
avec bienveillance. C’est le cas
de Marc Dolez, député du Nord et animateur
de la sensibilité Forces militantes
au sein du PS. Présent lui aussi samedi,
François Delapierre, délégué général de
PRS, le club des amis de Jean-Luc Mélenchon,
ne pensait pas trouver une telle
convergence avec les analyses et objectifs
adoptés fin juin par son association, réunie
en convention nationale.
Le dialogue devrait se poursuivre à la Fête
de l’Huma. Mais aussi de manière décentralisée
à travers les débats que «Maintenant,
à gauche ! » souhaite multiplier pour interpeller
l’ensemble des forces de la gauche
de gauche. Avec à terme la perspective
d’états généraux. Mais pas avant 2008.

Politique
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