Attac reprend des forces

L’organisation altermondialiste a fait le plein lors de sa huitième université d’été, à Toulouse. Un signe de redémarrage pour ses dirigeants, après la crise qui a entraîné une chute importante des adhésions.

Thierry Brun  • 30 août 2007 abonné·es

Attac France repartirait-elle du bon pied ? La huitième université d’été de l’association altermondialiste, qui s’est déroulée du 24 au 28 août à Toulouse, a en tout cas montré qu’elle était capable de remobiliser ses troupes. Les locaux de l’université du Mirail ont accueilli plus de 700 participants dans un climat militant qu’on n’avait plus vu depuis deux ans. Le chiffre a dépassé les espérances des nouveaux dirigeants, « après seulement huit mois d’existence du nouveau conseil d’administration, et après la crise qu’on a connue… » , note avec satisfaction Aurélie Trouvé, coprésidente d’Attac. « Nous retrouvons un niveau de participation comparable à celui des premières universités d’été, où nous avions plus d’adhérents » , se réjouit l’économiste Jean-Marie Harribey, autre coprésident.

Illustration - Attac reprend des forces


Devant les panneaux d’inscription aux ateliers, à l’université de Toulouse-le Mirail. CABANIS/AFP

L’association n’a pas complètement oublié la crise interne récente qui a sérieusement entamé son pouvoir d’influence dans le paysage politique et provoqué les départs de Bernard Cassen, fondateur et président d’honneur, et de Jacques Nikonoff, ex-président contesté, tous deux absents à Toulouse. C’est à distance que Bernard Cassen s’est exprimé, le jour de l’ouverture, en déclarant que « l’altermondialisme, c’est terminé » [^2]. « Il manifeste du dépit en s’exprimant ainsi, au vu du redémarrage d’Attac et du succès que rencontre cette université », a réagi Jean-Marie Harribey.

Malgré tout, Attac France doit faire face à la chute vertigineuse des adhésions. « On a rétabli la situation financière avec un plan de sauvetage, même si elle reste très délicate », admet Aurélie Trouvé. L’association compte actuellement 13 000 adhérents et vise prudemment les 15 000 d’ici à la fin de l’année, quand elle en comptait encore 30 000 il y a trois ans. « Il y a moins d’adhésions, mais cela n’est pas la cata , rassure Gilles Perrault, un des animateurs du comité local de Savoie. Il faut passer à autre chose. »

« On a beaucoup souffert, reconnaît Denis Louyot, du comité local toulousain. On était 850. Aujourd’hui nous ne sommes plus que 650. Nous n’avons plus de président, faute de candidat, mais un bureau collégial. Mais la crise interne n’est pas la seule explication. Beaucoup se sont engagés pendant la présidentielle, notamment pour soutenir la candidature de José Bové, et cela a fait baisser les mobilisations dans Attac. » Venue de Berlin, une militante se veut optimiste : « N’oubliez pas qu’Attac Allemagne a gagné des milliers d’adhérents après le G8 d’Heiligendamm. » Outre-Rhin, l’association atteindrait les 18 000 adhérents.

« On a un espace à occuper avec la nouvelle situation politique en France, estime Aurélie Trouvé. C’est hors du champ des partis politiques que va se jouer la reconstruction des valeurs de gauche . Les partis de gauche doivent s’en convaincre et développer plus de liens avec les mondes associatif et syndical. Attac est un lieu de convergence et peut redevenir un espace important de construction d’un front commun. » Des représentants du Forum social des quartiers populaires, du réseau Éducation sans frontières et des salariés d’entreprises comme Airbus ont ainsi été accueillis à Toulouse. Et quelque 70 intervenants, universitaires, chercheurs et syndicalistes ont animé séances plénières et ateliers. Mouvement d’éducation populaire « tourné vers l’action » , Attac a aussi envoyé une délégation au rassemblement national des faucheurs volontaires anti-OGM à Verdun-sur-Garonne (Tarn-et-Garonne). Reçu et applaudi à Toulouse, José Bové a pu mesurer sa popularité. Symptôme de la reconquête des idées, le thème du cycle d’enseignements, « Pour construire un monde solidaire, écologique et démocratique », a mis l’accent sur la crise écologique et les mouvements sociaux, un des « sept piliers » du Manifeste altermondialiste qui a rempli les ateliers.

« On pèse de nouveau dans le débat citoyen , veut convaincre la coprésidente d’Attac. On a fixé des campagnes et des messages clairs pour que cela ne parte pas dans tous les sens. » Le redémarrage de l’association passe aussi par les quelque 200 comités locaux qui feront l’objet d’un état des lieux. « Il faut rendre plus accessibles nos travaux, promettent les dirigeants, notamment par la refonte du site Internet, une communication plus systématique envers la presse et une plus grande implication dans les forums sociaux populaires. » En clair, Attac compte enfin redevenir une organisation tournée « vers l’extérieur ».

[^2]: Le 24 août sur Nouvelobs.com

Politique
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