Revu et déjà vu

« Revu et corrigé », présenté par Paul Amar, succède à « Arrêt sur images ». Ce n’est plus une analyse des médias mais une banale lecture de l’actualité.

Jean-Claude Renard  • 20 septembre 2007 abonné·es

Le magazine était attendu, c’est peu de le dire. Paul Amar avait la pression en succédant à Daniel Schneidermann. Fin d’«~Arrêt sur images~» (ASI) en juin dernier et arrivée de «~Revu et corrigé~» (REC) en cette mi-septembre. La suppression d’ASI a revêtu tout l’été des parfums de scandale. De la part des téléspectateurs (avec une pétition de plus de deux cent mille signatures), de la part de Schneidermann également [^2], annonçant récemment qu’il serait très attentif au nouveau magazine et ne se priverait pas de commentaires. Il a même créé «~l’observatoire international de Paul Amar~». Son successeur a déploré «~un procès d’intention~» qu’il sentait bien venir de toutes parts et s’est employé à faire la promotion de son «~Revu et corrigé~».

«~L’émission sera diffusée en direct, ce qui nous donne toute légitimité pour parler actu. Ce sera le rendez-vous de la libre parole, de la parole donnée et des coups de gueule, entouré d’éditorialistes et de chroniqueurs pour éclairer les temps forts des derniers jours et décoder l’actualité vue par les médias […] En ce qui me concerne, déchiffrer l’information est un travail que je connais bien. Car tout ce qui fait sens m’intéresse. L’aspect polémique sera une composante importante du magazine.~» Côté polémique, et pour ce qui fait sens, on se souvient que Paul Amar, présentant un débat entre Le Pen et Tapie avait, il y a quelques lustres déjà, sorti des gants de boxe pour donner un caractère spectaculaire bien inutile au débat inepte. Amar avait été sanctionné, écarté un certain temps. Il est revenu nettement plus lisse. Si ASI était un véritable magazine de décryptage des médias, et se revendiquait tel, REC ne s’est pas annoncé du même calibre~: non pas un décryptage des médias mais un décryptage de l’actualité. Dans la nuance, une affaire de poids et mesures. Un degré de moins dans l’échelle de la polémique.

En direct donc, Amar se veut d’abord très pédagogue, explique, réexplique le principe de l’émission. Car l’image peut avoir un double sens. Il a oublié que le téléspectateur a été éduqué par ASI pendant douze ans. Au programme, trois volets~: la petite Maddie et les parents Mc Cann, le gérant du supermarché de la cité des Francs-Moisins et l’affaire Clearstream. Un volet « La presse people et les politiques » était annoncé. Il a été expédié. Trop polémique et casse-gueule sans doute. Et comme le téléspectateur est «~exigeant, informé, attentif~» , l’émission leur est ouverte via SMS et Internet. Le premier sujet pointe le drame des enlèvements d’enfants, avec le témoignage du père d’Estelle (disparue il y a quatre ans). Sur le plateau, Christian de Villeneuve, directeur de Lagardère active ( JDD, Match, Télé 7 jours ) se défend de tout voyeurisme. Après quoi, le gérant de supermarché vient cracher sa colère sur la violence quotidienne dans son magasin. On dirait un reportage putassier sur M 6. Également sur le plateau, Jean-François Kahn se défie de toute vague émotionnelle sur un fait divers. On est en plein dedans.

Avec l’affaire Clearstream, Imad Lahoud fait son show. Le téléspectateur attend toujours une analyse. Elle ne viendra pas. L’intérêt du direct n’a pas même de raison d’être (sinon d’attirer l’internaute). Pour le coup, REC ne fait aucune concurrence à ASI. Rien à voir. ASI pouvait se targuer de 500~000 téléspectateurs (passionnés). Les mêmes vont très vite se lasser de cette revue de l’actualité à plat.

[^2]: Qui a décidé de relancer ASI sur Internet (.).

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