En plain-chant

Le retour en France de
la Québécoise Pol Pelletier, lyrique écorchée vive.

Gilles Costaz  • 18 octobre 2007 abonné·es

Un nouveau théâtre dans la ville prolo-bobo de Montreuil, collée au flanc Est de Paris~: le théâtre de la Girandole, qu’Ariane Ascaride a inauguré le 19 septembre, en lisant du Serge Valletti. Ses responsables sont allés chercher loin l’une des premières artistes à s’y produire~: Pol Pelletier, native du Québec, immense figure de la scène montréalaise. En fait, cette actrice et auteur a quitté le Saint-Laurent pour habiter la France. On ne sait pas très bien où, car c’est une nomade, une rebelle. Et c’est une femme qui, seule, avec juste un accordéon, vient avec toute la beauté et toute la souffrance du monde.

Pol Pelletier a changé. On la connaissait, notamment quand Ariane Mnouchkine l’avait invitée au théâtre du Soleil~; elle était alors une pasionaria de la cité moderne, chantant la solidarité des femmes, dépeignant le contexte où se débattent les gens de théâtre. À présent, elle est revenue vers les origines de la langue. Elle est elle-même un auteur de grande importance, mais, dans son nouveau spectacle, Une contrée sauvage nommée Courage, elle prend peu la parole en son nom. Elle fait entendre deux grands écrivains qui appartiennent à la voie royale de l’écriture québécoise. Le premier est Jovette Marchessault, une femme qui vit loin de toute ville~; d’elle, Pol Pelletier dit Vaches de nuit , un texte plein d’aubes, d’orages et d’expériences essentielles. Le second, plus connu, est Michel Garneau. De lui, elle n’interprète pas le théâtre mais un long poème utopique et satirique, Elégie au génocide des nasopodes , qui, par son invention et sa violence ironique, dépasse ces grands rieurs de Scarron, Cyrano de Bergerac ou Swift. Dans cette histoire imaginaire, il y a toute la folie furieuse et assassine des sociétés dominantes.

Pol Pelletier est une écorchée vive, mais une lyrique, qui rejette les plaintes et atteint à chaque seconde le plain-chant fraternel.

Culture
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