Le Giec (et Al Gore)

Patrick Piro  et  Claude-Marie Vadrot  • 18 octobre 2007 abonné·es

Al Gore prix Nobel de la Paix, décerné la semaine dernière pour sa croisade contre le dérèglement climatique : le satisfecit est général de voir le réchauffement grande cause nobélisable, avec croc-en-jambe à la politique négationniste de Bush. On s’attarde moins sur le corécipiendaire, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ­ le Giec.

Al Gore est une vedette planétaire avec son récent film Une vérité qui dérange, mais, pour établir cette dernière, il a fallu vingt ans de travail du Giec : environ 3 000 scientifiques de près de 200 pays.

Le Giec naît en 1988 sous l’égide des Nations unies, malgré l’opposition des États-Unis. Son rôle : établir des rapports « de consensus » sur l’état du climat à l’usage des gouvernements.

Au départ, rien n’a été facile, surtout lors des premières tentatives pour discerner la responsabilité des activités humaines. « Nous avons travaillé dans l’indifférence, voire l’hostilité » , témoigne Jean Jouzel, qui représente la France au bureau du Giec. Dans quelques pays, des scientifiques subissent une répression (suppressions de poste, de financements, etc.). Et d’abord aux États-Unis, où s’organise une vraie chasse aux climatologues incorrects critiquant le mode de vie américain. George W.Bush obtient même en 2002 le remplacement du président du Giec, avec lequel il est « en désaccord » .

Car le Giec est devenu un acteur politique. D’abord parce que ses « résumés aux décideurs », points clés de ses rapports (1990, 1995, 2001, 2007), sont négociés ligne à ligne avec les représentants gouvernementaux. Mais aussi parce qu’ils ont remarquablement contribué à la prise de conscience, s’imposant comme des références indiscutables à mesure que les incertitudes tombaient une à une. La diversité de sa composition le rendant peu contrôlable, le Giec, conscient de son rôle d’acteur majeur, en joue habilement. Divulguant par exemple la teneur de son rapport 2001 avec quelques semaines d’avance afin de peser sur les négociations cruciales de la conférence de La Haye, qui finalisait l’application du protocole de Kyoto ; ou bien occupant quatre mois durant l’actualité en orchestrant la remise en trois étapes de son rapport 2007.

À l’heure des congratulations, il est bon de se rappeler qu’en 2002 Al Gore avait critiqué le choix de l’Indien Rajendra Pachauri à la présidence du Giec, au motif qu’il manquait de motivation. Il est vrai qu’il avait alors la préférence de… Bush.

Écologie
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