Traité européen: les socialistes couchés

Michel Soudais  • 22 octobre 2007
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Il n’y a pas eu de suspense. A peine plus de trois jours après l’adoption du traité modificatif par les chefs d’Etat et de gouvernement, la direction du PS a déjà arrêté sa position. Enfin pas tout à fait, parce qu’elle hésite encore. Mais si! Elle hésite entre «le oui» et… «l’abstention» . Une alternative qui résume, finalement, assez bien les choix auxquelles la social-démocratie agonisante est réduite: accompagner le mouvement ou laisser-faire. Résister? A quoi bon, vous n’y pensez pas!

Donc, sans le moindre débat, ni la moindre consultation de ses militants (mais est-il besoin de le préciser?), la direction du PS aurait tranché. Et elle a confié à l’un de ses bureaucrates les plus gradés, Stéphane Le Foll [^2], le soin d’annoncer que le parti socialiste abdiquait toute velléité d’opposition sur ce sujet.

«Nous ne nous opposerons pas» (bis)

La position du PS se résume, selon M. Le Foll, à «deux principes» (c’est rassurant de voir que ce parti peut encore avoir des « principes »): «Nous ne nous opposerons pas à l’adoption du traité, et nous allons rechercher une position collective, ce qui est de la responsabilité du Premier secrétaire.» Manifestement, Sarkozy a fait des émules jusque dans son opposition (de sa majesté?). Désormais, c’est le chef qui décide…

Autres arguments avancés (au nom du PS, je le rappelle) par M. Le Foll: Il y a «besoin de sortir l’Europe de l’impasse institutionnelle» . Alors, même si le traité approuvé par les chefs d’Etat est, il le souligne, «assez loin dans ses objectifs du traité originel» rejeté par référendum en mai 2005 en France, «il y a un consensus pour dire que nous ne nous opposerons pas» (bis, donc) à l’adoption du nouveau traité. D’où cette précision: «il peut y avoir un vote « oui » et il peut y avoir abstention» du PS.

Et l’exigence de référendum, me direz-vous? La question a bien été posée. Rassurez-vous, le PS continue d’être favorable à la procédure référendaire, assure M. Le Foll. «Mais , a-t-il ajouté (eh oui, il y a un MAIS), l’élection présidentielle est passée par là, Nicolas Sarkozy a dit clairement qu’il n’était pas favorable à un référendum.» Et ce que veut Nicolas Sarkozy ne se discute pas… C’est un peu ce que disait aussi Ségolène Royal dans l’entretien qu’elle a accordé ce matin à Libération [^3].

Consensus, vraiment?

Le consensus invoqué existe-t-il vraiment? C’est aux responsables socialistes de le dire. Et l’on pourra certainement en juger dans les jours qui viennent, notamment lors du conseil national que le PS tient, samedi prochain.

Sans attendre, Jean-Luc Mélenchon, depuis l’Argentine où il assiste à la dernière semaine de la campagne présidentielle, a tenu à faire savoir qu’il voterait «contre la ratification du nouveau traité» et qu’il ne serait «pas le seul» . «Il faut respecter le Non exprimé le 29 mai 2005 , poursuit son communiqué. Ce nouveau traité ne répond à aucune des préoccupations exprimées alors par les Français. Ce nouveau traité n’est en effet ni simplifié, ni plus social, ni plus démocratique. Il conforte le cours libéral de la construction européenne rejeté par notre peuple. S’abstenir ou voter oui reviendrait à aider Sarkozy à faire passer son texte

Le sénateur de l’Essonne, rappelle aussi que la « la gauche a les moyens d’imposer un référendum» . Comment? Tout simplement en refusant de voter la révision de la Constitution préalable à toute ratification parlementaire, révision qui nécessite d’être approuvée par une majorité de 3/5 des suffrages exprimés des députés et sénateurs réunis en Congrès. Alors que tous les candidats de gauche à la présidentielle «s’étaient prononcés en faveur d’un référendum, ne pas exiger un référendum serait un reniement» , conclut-il.

Si d’autres socialistes refusent de se coucher, merci de nous le faire savoir, nous y ferons écho.

[^2]: Bras droit du Premier secrétaire François Hollande, il s’est vu gratifié, à ce titre, d’un siège au parlemet européen.

[^3]: Extrait de cet entretien: Quelle est votre position sur le mini-traité? A partir du moment où le peuple a refusé le précédent, il serait logique de le consulter à nouveau. Mais je crois que ce traité, même imparfait, peut remettre l’Europe en marche (…) mieux vaut un compromis que rien. (…) Nous devons faire bloc avec les socialistes portugais, espagnols, allemands et les autres, et adopter ce texte le plus vite possible (…). La question de la procédure d’adoption, référendaire ou parlementaire, n’est plus une question de principe. Nous n’avons pas de temps à perdre à nous diviser.

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