Contre les fausses évidences

Pascal Boniface combat quelques idées reçues sur l’état du monde. Du réchauffement climatique au terrorisme, une invitation à l’esprit critique.

Denis Sieffert  • 1 novembre 2007 abonné·es

Le lecteur relèvera au moins une contradiction dans le dernier ouvrage de Pascal Boniface. Parmi les « 50 Idées reçues sur l’état du monde » que réfute le directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques, il y a en effet celle-ci : « Les experts aident à comprendre les événements. » Or, c’est précisément un « expert » qui nous met en garde contre toute naïveté à l’égard de la corporation à laquelle, qu’il le veuille ou non, il appartient. Sommes-nous en face d’une nouvelle version du paradoxe d’Épiménide, ce Crétois qui affirmait que « tous les Crétois sont des menteurs » ? En vérité, Boniface assume sa subjectivité et il se garde d’exciper de sa qualité d’expert en géostratégie internationale pour endormir chez son lecteur tout esprit critique. « Un expert peut avoir développé une connaissance approfondie du sujet, écrit-il, ce n’est pas pour autant un gage d’objectivité. » L’escroquerie intellectuelle contre laquelle Boniface tente de nous prémunir n’est d’ailleurs pas tant le fait des spécialistes eux-mêmes que de la présentation de leur expertise dans les médias.

Pourvu qu’il ne s’invente pas grossièrement des titres universitaires qu’il n’a pas (le cas existe), l’expert peut apporter un savoir précieux. L’imposture commence quand on prétend recourir à ses connaissances pour esquiver un débat et délégitimer par avance toute opposition. Le livre de Boniface ne prétend pas à l’objectivité ; il est au contraire un encouragement à développer une vigilance de bon aloi. Il réfute méthodiquement un certain nombre de poncifs tels que « le choc des civilisations est inévitable », « Israéliens et Arabes ne pourront jamais être en paix », « l’islam est incompatible avec la démocratie ». Ou encore, « le terrorisme est d’essence religieuse », « les valeurs occidentales sont universelles », et « le réchauffement climatique sera évité grâce aux progrès technologiques ». Chaque « idée reçue » est réfutée par une brève analyse, de deux ou trois pages tout au plus.

L’auteur nous invite par exemple à prendre du recul face au concept d’« États voyous ». « Qui en fixe les critères ? » , s’interroge Boniface, qui répond : « Les États-Unis. » On s’aperçoit ainsi que le critère principal qui définit cette catégorie, c’est, « avant tout, l’opposition à la politique extérieure américaine ». De quoi relativiser quelques fausses évidences. Au total, voici un petit livre efficace à l’usage du plus grand nombre. Ou, pour le dire autrement, de tout le monde, sauf des experts…

Idées
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